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472 DES TENDANCES DE 1,',UÎT. veau, de fixer le point incertain , et ainsi d'ouvrir et de montrer à l'art la voie qu'il doit suivre. En son absence que fait le talent ? incapable de créer , s'il ne trouve pas de maître dans le présent, il en va chercher dans le passé ; ses productions, même les meilleures , prennent alors je ne sais quel reflet suranné et vieilli qui, en leur laissant tout mérite, leur ôte tout prestige -, elles se recommandent au lieu de s'imposer, et n'acquièrent qu'un succès d'estime à la place d'une réelle célébrité ; mille étoiles ne nous donnent qu'une lueur incertaine, tandis que le soleil, à lui seul, nous accable de lumière. Ainsi en est-il du talent, dont les pâles clartés ne peuvent dépasser une petite sphère, au lieu que l'éclair du génie suffit parfois à illuminer un siècle. Le monde intellectuel me paraît en ce moment flotter au sein d'une nuit brillante ; le génie sommeille ; d'où cela vient-il ? question trop grave en elle-même et trop délicate par les complications qu'elle entraîne, pourquenous osions y répondre. Du fait établi et malheureusement incontesta- ble, nous demandons seulement à déduire quelques consé- quences. La première est celle-ci : Puisque l'art est privé de la di- rection que le génie seul est capable de lui donner, il doit être nécessairement soumis à l'influence des esprits mé- diocres. En effet, dans l'ordre politique, quand ce n'est pas un souverain ou une aristocratie qui gouverne, c'est le peu- ple, en d'autres termes la masse des citoyens; dans le monde intellectuel, si les esprits ne sont pas forcés de s'incliner devant une ou plusieurs supériorités, la majorité fait la loi: qui dit majorité dit un ensemble de personnes dont les idées sont plutôt sensées qu'élevées, plutôt positives que poétiques, en un mot meilleures pour déterminer une op'é-