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378 UN AUTOGRAPHE PE NAPOLÉON I e r . C...!! Il n'y avait plus moyen de l'éviter; sa proie était trop sous sa main pour ne pas s'en emparer. «—Il a fallu ce coup du « sort, me dit-il, pour vous faire tomber en mon pouvoir ; mais « je ne vous lâche plus. » « — Hélas ! lui répondis-je, dites plutôt ce coup de vent; sans « lui vous me chercheriez encore; c'est lui qui m'a jeté dans vos « bras, et vous devez du moins rendre justice à ma belle dé- « fense. » «—Superbe, en effet, dit-il; mais si je vous rends les honneurs « de la guerre , mon cher monsieur, veuillez me rendre à moi- « même la clef de la place, soit l'autographe, » J'étais à deux pas de mon logis et je m'y acheminai tout pe- naud ; l'aimable docteur C , consola, par de gais propos, l'amer- tume de ma défaite, la honte de ma reddition, et m'assura qu'il tiendrait d'autant plus à sa conquête qu'elle lui avait coûté da- vantage. Je lui livrai, en soupirant, les douze lignes du grand homme, que j'avais défendues comme si elles eussent été les fa- meuses lignes de Wissembourg. Et, en effet, dans la magnifique collection d'autographes du docteur C...,je n'aurais préféré à celui que je lui restituais que le manuscrit de l'Emile, écrit tout entier de la main de Jean-Jacques. Quelques mots maintenant sur la lettre même de Napoléon, sujet de tant de joies pour le docteur et de tant de regrets pour moi. Chacun sait, qu'en 1809, les Anglais tentèrent un coup de main sur Anvers ; ils vinrent débarquer à Flessingue a l'embou- chure de l'Escaut, s'approchèrent d'Anvers et firent beaucoup de mal à ce magnifique port de la Belgique alors réunie à la France. Cette audacieuse entreprise causa une vive inquiétude à Napo- léon, la lettre en question en est une preuve irréfragable. Après avoir dicté à son secrétaire deux pages adressées à l'a- miral Missiepsi, dans lesquelles il lui indiquait toutes les mesures à prendre pour repousser les hardis insulaires , l'empereur avait saisi lui-même la plume , et résumé dans son style clair, concis, énergique, les ordres qu'il donnait à son amiral. Cette pièce, vraiment historique, fait maintenant partie de la superbe collection de M. le docteur C... fils, qui en a hérité, ainsi que des talents et de l'esprit de son père. J. PETJT-SENN.