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AU XII e SIÈCLE. 303 « Un noble personnage, écrit-il au Pape Eugène, le sei- gneur Humbert de Beaujeu, revenu récemment d'Outre Mer, a excité dans toute notre contrée une ivresse universelle. La joie et le plaisir régnent parmi les clercs et les moines, l'allé- gresse parmi les bourgeois; eeux-mêmes qui sont d'ordinaire la proie des ravisseurs, que dis-je? la pâture des loups, les paysans, les laboureurs, les pauvres, les veuves, les orphelins, toutes les classes du peuple enfin, peuvent à peine contenir l'expression de leur bonheur. Au contraire les spoliateurs des pauvres, les destructeurs des églises, les oppresseurs des clercs et des moines gémissent intérieurement (ils n'oseraient le faire ouvertement) et souffrent plus que je ne saurais dire, de voir opposer ce ferme rempart à leur perversité. Le pays que nous habitons est peut-être, comme l'a reconnu Votre Sain- teté, plus malheureux à lui seul que toutes les autres con- trées de la terre; sans roi, sans duc, sans prince, sans défen- seur, il est exposé aux dents des bêles féroces, et, pour em- prunter littéralement un mot de l'Écriture : lous les animaux sauvages du pays y vivent en liesse (Job XL). Ceux qui y portent les titres de ducs, de comtes ou de princes se condui- sent comme s'ils avaient le pouvoir non pour défendre, mais pour dévorer le peuple de Dieu. Leur perversité s'accroît avec leur grandeur; plus ils acquièrent de puissance, plus ils met- tent de cruauté à opprimer les faibles et les pauvres. Voila, pourquoi toute une population, avide de paix et qui l'appelle de tous ses vœux, de lous ses désirs, a accueilli Humbert comme l'envoyé de Dieu. L'expérience a déjà prouvé qu'on n'a pas eu tort de concevoir des espérances. Car en peu de temps il a si bien apaisé les guerres qui grondaient dans notre contrée , si bien calmé par sa seule parole le bruit des camps et le tumulte des gens d'armes, que la crainte qu'il a inspirée a rétabli la paix parmi eux et rendu la sécurité aux églises et aux pauvres qui redoutaient leur tyrannie. Déjà les