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PIERRE REV01L. 483 l'es par les Pères de la Merci. Ce dessin de grande dimen- sion, était d'une composition magnifique et d'un caractère dramatique et touchant. Les bons Pères entourent de pauvres captifs chrétiens, ils les délivrent de leurs chaînes et de leurs haillons, ils les embrassent avec cet amour qui n'a de nom que dans la religion chrétienne, tandis que les infidèles comptent l'argent qu'ils ont reçu en échange. L'auteur avait commencé sur ce sujet un tableau à l'huile qui n'a jamais été achevé. Révoil s'alarmait, dans l'intérêt de l'art, des envahisse- ments de ce qui a été appelé improprement peut-être l'école romantique; ses craintes étaient fondées. La littérature moderne avait secoué le joug de la règle, il était difficile que la peinture, qui en est le reflet et l'image, n'en fît pas autant. Le romantisme qui, sous la main des maîtres, avait ses beautés et sa grandeur, a été, pour la foule des imitateurs, l'intronisation dans le domaine des ar!s du régime de la liberté, entendue en ce sens que chacun avait le droit de ne suivre d'autres règles que celles de sa fantaisie et les ca- prices de son imagination. Les lois de la nature et du goût sont un assujétissement comme un autre; et, la médiocrité trouve plus commode de s'en affranchir que de s'y sou- mettre. Il faut avouer, il est vrai, que l'œuvre de l'artiste est difficile et sa mission remplie d'écueils. La pensée est plus rebelle au pinceau qu'à la plume, et le peintre pour l'expri- mer est obligé d'employer des nuances plus délicates el, plus mystérieuses. Incarnée et pour ainsi dire noyée dans la forme, il n'est pas facile de l'en dégager vive et saillante, et ce n'est qu'à force de génie que l'artiste y réussit. L'art, à vrai dire, est la poésie de la poésie, et il exige que l'artiste soit plus poète que le poète, parce que son œuvre supporte moins la médiocrité, et ne rencontre que des juges exercés. En peinture, il n'y a pas de juste milieu ;