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                       HUMBLE REQUETE.                       149

                               II.

   La chasse qui, dans les temps héroïques, était le passe-
temps des héros, n'avait alors pour but que de les préparer
au dur métier de la guerre, et d'assurer l'extermination des
hydres, des monstres et des botes farouches, nuisibles aux
hommes et aux récoltes. Depuis les héros, la chasse a d.'rogé;
elle a été dirigée contre les êtres les plus inoffensifs de la
création. L'ordre lui-même des insectivores, ce corps si res-
pectable, n'a pas été épargné. Les choses ont même été
poussées si loin dans ces derniers temps, par les successeurs
des héros, vos petits hobereaux, bourgeois, manants, écoliers,
commis de comptoirs, de boutiques et de magasins, clercs de
procureurs et d'huissiers, marchands de cotonnades, agents
de change, banquiers, braconniers et. désœuvrés de tout âge
et de toutes conditions, que la race inoffensive des petits
pieds est presque à la veille de disparaître du grand-livre des
œuvres de la création. Pour peu que les choses restent sur ce
pied, ii n'en sera bientôt plus de nous, pour vos derniers
neveux , que comme de ces races antédiluviennes , décou-
vertes et décrites par le grand Cuvier, le plus savant d'entre
toutes les illustrations passées et futures du genre carnassier.
Nous passerons tous avant peu d'années, si vous n'y mettez
bon ordre, à l'étal d'oiseaux fabuleux et quasi-anlédiluviens,
propres tout au plus à illustrer un jour quelque nouveau
baron Cuvier.
   Or, n'allez pas croire, nos très-judicieux maîtres, que celle
sinistre prédiction soit de notre part une plalsanierie, in-
digne de la gravité de notre mission. Rien n'est plus sérieux.
Ouvrez, comme nous l'avons fait, les annales de l'ancien et
du nouveau monde ; et vous vous convaincrez que vos instincts
carnassiers et votre avarice insatiable, soit dit sans vous
offenser, on!, déjà englouti, ou sont h la veille de faire entiè-
rement disparaître de la. surface du globe, des races entières
d'animaux qui y avaient longtemps crû et multiplié. Dites-
nous ce que sont devenus ces éléphants, couverts ou non
d'une épaisse toison, qui jadis hantaient les rivages de nos
fleuves, et promenaient leur lourde masse à travers nos bois
et nos campagnes"? Et ces bœufs primitifs , -ces aurochs fa-
rouches, dont ii n'existe plus au inonde qu'un seul troupeau
de trente ou quarante individus, qui est allé se cacher dans les
profondeurs des forôis lithuaniennes. Que sont devenus ces
industrieux castors, que vos feutres de soie ne feront point