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104 NICOLAS BERGASSE. souveraine dont on peut dire qu'elle est la seule puissance de notre siècle qui soit debout depuis cinquante ans. — J'ai nommé M. Berryer. —Ce fut, au dire de ceux qui ont suivi de près la carrière du grand orateur, une des premières causes où l'aigie se révéla. Après avoir rappelé la vie et les travaux de son client en termes que j'aurais été heureux de n'avoir qu'à copier si la sténographie nous les eût conservés, il prouva que l'Essai sur la propriété n'était au fond qu'une revendication de justice et d'humanité en faveur des familles spoliées. La rentrée en possession pure et simple des anciens propriétaires serait à coup sûr de droit absolu ; mais l'indem- nité proportionnelle étant seule praticable, comment s'expli- quer qu'on eût hésité si longtemps? La Constituante n'avait- elle pas décrété, dès la première année de son existence, que les biens non vendus des protestants sortis de France à la révocation de l'édit de Nantes seraient rendus à leurs héri- tiers? La Convention elle-même n'avait-elle pas accepté la réclamation des viclimes de la Terreur portée à sa barre par un client de Bergasse et appuyée par le féroce Legendre lui- môme ? Par combien de mesures d'ailleurs le gouvernement ne s'était-il pas vu placé sur celle voie, depuis les sénatus- consultes qui avaient, à diverses époques, rendu leurs biens à des émigrés rayés de la liste, jusqu'aux promesses faites au nom du roi devant la chambre des pairs de 1814? L'indem- nité aux anciens propriétaires, et non la dépossession des nouveaux, telle était donc la vraie conclusion de l'esprit at- taqué. On était à la veille du baptême de M. le duc de Bor- deaux ; le brillant défenseur sut tirer un heureux parti pour sa cause de cet événement national. Rappelant le mot de Sylla au jeune Crassus qui lui demandait une escorte pour traverser un pays occupé par l'ennemi . « Va, je le donne pour escorte ton père, ton frère, tes amis que Marius a fait égorger ! » Berryer s'écria qu'au lieu de ce mot d'ordre des