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94 NICOLAS BERGASSE. Aûslerlitz, une grande fête lui fut donnée à l'Hôtel-de-Ville. Parmi les dames dignes d'être remarquées par leur beauté, même dans la patrie de Mme Récamier, on citait une Mme Le- mercier, sur laquelle les biographes ne donnent d'ailleurs aucun détail. Napoléon daigna s'approcher d'elle pendant la soirée ; mais tout en recevant gracieusement de si hautes avances, Mme Lemercier, qui était, à ce qu'il paraît, une ré- publicaine de forte race, eut l'audace d'appeler monsieur celui que l'Europe tremblante appelait l'empereur. « Quelle est celle femme? dit brusquement le héros lui tournant le dos. — Sire, c'est Mme Lemercier. — Que fait son mari ? — Il était fournisseur des armées sous le Directoire. — Fournis- seur? Qu'on révise ses comptes ! » Les comptes de M. Le- mercier furent si bien révisés, que le malheureux employé aux vivres fut frappé d'une ruine complète. Chargé de sa défense, Bergasse avait rédigé un mémoire justificatif qui n'eut pas le succès des fameux mémoires pour Kornmann. On était en d'autres temps, et tout en prenant parti pour son client, victime, il faut le dire, d'une fantaisie impériale de vengeance plutôt que de justice, l'avocat dut payer au chef de l'Etat un tribut de flatterie qu'on lui a reproché plus tard, mais qui avait alors la double excuse de la gloire el de la nécessité (t). VII. L'ancien conseiller de Louis XVI n'en était pas moins resté fidèle aux affections de sa jeunesse. En avril 1814, quand il vit la France, écrasée sous le retour offensif de l'Europe, tendre la main vers ses princes pour obtenir la paix et la liberté, il crut revoir l'aurore de 89. Epoques (1) Biographie universelle, tome IV. (Thoinicr-Desplaces, 1843). Du 1 février 1790.