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NICOLAS BERGASSE. 89 core aux titres de proscription de l'ancien constituant. Son nom devint un des plus honnis dans les journaux et les so- ciétés populaires, et le théâtre lui-même ne larda pas à le signaler aux colères de la rue. Beauirarchais, voyant son ancien vainqueur, non seulement abandonné par la faveur publique, mais poursuivi d'outrages et de menaces, crut le moment opportun pour l'achever. Le 6 juin 1792, on repré- sentait, sur le théâtre du Marais, un drame intitulé: Vautre Tartuffe, ou la Mère coupable. Bergasse, sous Je pseudonyme transparent de Begearss, y joue le rôle d'un tartuffe de pro- bité, homme très-profond, assure l'exposé de la pièce, grand machinateur d'intrigues, qui s'attire comme l'autre la con- fiance d'une famille pour arriver à la dépouiller. « Je vous jure,dit l'auteur, que je l'ai vu agir ; je n'aurais pas pu l'in- venter... » On aurait peine à croire, si l'on ne savait que la haine porte un bandeau comme l'amour, que Beaumarchais ait voulu désigner sous les traits de ce personnage odieux un homme aussi connu que Bergasse pour son désintéressement. Que le protecteur mal traité de Mme Kornmann ail cédé au besoin de se venger de l'écrivain qui en d'autres temps avait peut-être abusé contre lui de la détestable réputation que sa vie lui avait faile, on peut le comprendre ; mais ce qui est absolument indigne, ce qui dépasse la mesure de lâcheté permise à un pamphlétaire, c'est qu'après avoir signalé au public son Begearss comme voleur, il le dénonce aux clubs alors tout puissants comme un agent secret de Coblenlz (1). Cette noirceur ne porta pas bonheur à Beaumarchais. Quoi- que repris en 1797, par les comédiens du Théâtre-Français et joué quelquefois dans la ville natale de Bergasse, le drame de la Mère coupable, plat de style et d'invention, est digne d'ue époque où la vertu, la nature et la sensibilité formaient le monotome refrain de tous les discours et de toutes les co- (1) Voir la scène vm du second acte.