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86                         NICOLAS BERGASSE.

   On se fera une idée des fureurs déchaînées contre l'adver-
saire des assignats, en le voyant dénoncé à la chambre comme
ennemi delà nation. Déjà, lors de sa retraite avec Mounier
et Lally-Tolendal, après les 5 et 6 octobre, des citoyens de
Dijon avaient demandé que les trois mandataires infidèles
fussent déchus de leurs titres de représentants et déclarés
indignes d'occuper aucune fonction publique. Celte fois, une
accusation de haute trahison ne fut détournée que par l'in-
tervention d'un fanatique nommé M. de Chabroud, qui s'écria
qu'il n'y avait pas lieu de traiter sérieusement l'auteur de la
Protestation contre les assignats, et qu'après une telle œuvre
il ne restait à M. Bergasse qu'à élre interdit par sa famille
 comme il l'avait été par l'assemblée.
   Mais les clubs et les journaux ne se contentaient point de
cette facile vengeance. Menacé de mort à son domicile et dé-
signé dans les rues aux pourvoyeurs de la lanterne, Bergasse
voulut se retirer pour quelque temps dans un village des en-
virons de Paris. Sa célébrité, son portrait (1) qu'on voyait
encore partout à cette époque, le dénoncèrent aux jacobins
de l'endroit, et ce refuge devint bientôt plus dangereux pour
lui que la capitale.
   Cependant la constitution de 91, enfin terminée, fut publiée
dans son entier, et l'audacieux Bergasse renouvela dans une
lettre aux Lyonnais sa protestation contre ce qu'il appelait
un code de despotisme, d'anarchie et de corruption. Cette
position d'antagonisme bravement prise par un seul homme
contre toute une assemblée l'obligeait, on lui avait souvent
fait sentir, à donner enfin au public autre chose que des cri-
tiques. Aussi annonçait-il, sans songer à s'assurer le mérite

   (1) Sous ce portrait de Bergasse fait lors du procès Kornmann et qu'on
trouve encore dans beaucoup d'intérieurs à Lyon, on lit cet alexandrin qui
aurait dû lui servir d'égide :
                  Il fut l'appui du juste ot l'effroi des pervers.