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                INAUGURATION DES MONUMENTS
                                      DE


 BONNEFOND ET D'AMÉDÉE BONNET

   Nous nous souvenons tous de ces périodes si courtes pendant lesquelles
la mort eut le temps de frapper des coups si nombreux et si cruels.
Gensoul et Bonnet moururent à peu d'intervalle l'un de l'autre ; une seule
année vit descendre dans la tombe Bonnefond, le directeur de notre Ecole
des Beaux-Arts, Saint-Jean, le peintre de fleurs, Vibert, le professeur de
gravure. Cependant leur mémoire et leurs œuvres ont survécu et conservé
tout l'éclat de la jeunesse. Nous devons donc songer maintenant à acquitter
la dette de la reconnaissance pour l'honneur qu'elles font à notre patrie.
   Parmi les artistes éminents que nous avons récemment perdus, Bonne-
fond seul a pu recevoir un hommage public.
   Saint-Jean repose dans un petit enclos, sous des fleurs que sa famille
cultive avec un soin tendre et pieux. Au fronton du cippe modeste qui
porte son nom et ses titres, on a sculpté une simple palette ; et encore elle
se cache sous une lyre, la lyre poétique. Celle qui fut trop peu de temps sa
compagne savait tirer de cet instrument des sons harmonieux qui char-
maient l'existence fatiguée de l'artiste. Dès que, brisée par la mort, la lyre
eut cessé de chanter, Saint-Jean s'affaissa pour ainsi dire sur lui-même. La
moitié de son âme lui manquait, et bientôt poète et peintre se rejoignirent
sur la même couche funèbre.
   La dépouille mortelle de Vibert n'a reposé qu'un instant au milieu de
nous. Sa famille, qui habite Paris, l'a réclamée, et nous pensons que ses
élèves auront pris soin que la tombe de ce maître incomparable témoigne
qu'ici l'on se souvient de ses services trop méritoires pour n'avoir pas été
obscurs et souvent méconnus.
   Bonnefond avait été déposé dans un angle isolé du nouveau cimetière de
Loyasse. C'est là que la Commission des souscripteurs qui lui votèrent spon-
tanément un monument de gratitude et d'affection, est allée le chercher
pour le déposer dans un caveau réservé à lui et à sa veuve.
  L'inscription dédicatoire est ainsi conçue :
                           ÉRIGÉ PAK LES ARTISTES,
                                PAR SES AMIS
                              ET SES ÉLÈVES.

  L'architecte et le statuaire n'ont pas signé leur œuvre. C'est un oubli
d'une rare délicatesse. Ils se sont confondus parmi ceux que nous venons
de désigner.