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                  LE CHATEAU DE CAIU1XAN.                    39

 Puis il reprit un peu de courage, pour balbutier, d'une voix
 tremblante, quelque banale formule de félicitation. Son émo-
 tion était trop forte pourtant pour ne pas se trahir. Gersol
s'en aperçut :
    — Mais qu'as-tu?... Te sens-tu malade?... s'écria-t-il.
    — Non, non; ce n'est rien, murmura Julien. Mon ami,
j'ai une communication à te faire        je t'écrirai demain
pas un mot... demain... Mais je t'en prie, jure-moi de brûler
ma lettre... Puis il s'enfuit précipitamment.
    « Dès qu'il fut dehors, seul, coudoyé par la foule indiffé-
rente, son malheur lui apparut sous les plus affreuses cou-
leurs, i avait fait d'une femme le but et comme la base de
sa vie ; celte femme , une jeune fille légère , étourdie peut-
être, disparaissant, l'existence du pauvre Julien n'avait plus
d'objet. Aussi, logiquement, sa première pensée fut-elle pour
le suicide. Heureusement il ne pouvait y donner suite avant
d'avoir fait l'aveu promis à Gersol et écrit quelque adieu à
son père. Cette pensée éveillée, ce premier moment gagné,
la réflexion se fit jour. Julien abandonna une résolution que
condamnaient ses principes religieux et ses devoirs : il aima
mieux vivre malheureux que de faire mourir de douleur son
père, dont il est le fils unique et le seul bien.
    « Je ne vous dirai pas quelle fut sa lettre h Gersol, bien
que je la sache presque par cœur. Il avouait les espérances
qu'il avait crues autorisées par Mme Gersol. 11 demandait
une rupture complète, pour qu'il lui fût possible d'oublier un
amour qui devait faire sans doute le malheur de toute sa vie.
Mais, faut-il le dire? Cette lettre envoyée , notre pauvre
ami se flattait encore que Gersol reviendrait sur une décision
qui n'était pas irrévocable, que la femme aimée se prononce-
rait pour lui... son cœur battait encore d'espérance; il lui
semblait qu'il allait voir Gersol, accourant se jeter dans scs
bras, pour lui dire: « Que ne parlais-tu ?... l'amitié t'uni