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LE CHATEAU DE CAR1LLAN. 37 de sa mère et d'une jeune fille, dont la physionomie, à l'ado- lescence môme, n'offrit jamais l'éclat de la beauté, mais qui se faisait remarquer par sa grâce, sa distinction, son esprit brillant. Veuve depuis longtemps, Mme Gersol consacrait sa vie à l'éducation de sa fille, qui fut parfaitement soignée el heureusement réussie. Vous avez pu en juger vous-même tout à l'heure, en fait de musique. « Admis intimement et comme un frère auprès de MUe Ger- sol, Julien, au moment où le cœur s'ouvre, en fit trop natu- rellement l'objet d'un premier amour, qui eût été peut-être sans conséquence de la part de tout autre jeune homme. Mais, avec la sensibilité impressionnable, l'esprit rêveur, la vive imagination que vous devez lui connaître, une femme jeune, tant soit peu bien douée, livrée seule à ses regards et aux rêves de son esprit méditatif, devait y faire une profonde impression, emprunter à ce cœur trop riche l'apparence de sentiments dont MIle Gersol était dépourvue peut-être, à celte imagina- tion ardente des perfections presque idéales. Ainsi notre pauvre Julien fonda peu à peu toutes ses espérances, toute sa vie sur un cœur qu'il n'osa jamais consulter ; il donna une femme pour but à sa destinée, tandis que la femme ne doit qu'y être associée. Mais l'amour peut-il comprendre et con- damner celte espèce d'idolâtrie? « Patronné dans la magistrature par les longs services peu récompensés de son père, notre ami pouvait se promettre d'y faire un heureux chemin. 11 travaillait avec un ardeur fébrile, afin d'obtenir les titres indispensables pour entrer dans cette carrière. Il était soutenu, encouragé par la pensée de sa gra- cieuse amie, laissée a ce foyer d'où il croyait la voir applau- dir à ses rêves et à ses travaux, où il espérait recevoir ce titre de fils dont Mme Gersol lui montrait déjà en quelque sorte toute la tendresse. Pendant ce temps, Gersol se répandait dans la société, soutenu par sa fortune et aussi, pour lui rendre