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34                 LE CHATEAU DE OARIIXAN.

nuit des rêves d'or. Je l'aimais déjà et je devais l'épouser
après mes examens. Tout allait à souhait : « Madame, disais-
jc à sa mère, car elle devait avoir une mère, je viens d'être
reçu bachelier. J'ai entendu mademoiselle votre fille sur le
piano ; j'ai compris ainsi quel cœur elle possède et je vous
demande sa main. »
   Mais, avant tout, il s'agissait de voir et de connaître cette
mère. La vue même de la fille m'était assez désirable. Aussi,
dès que j'entendais fermer le piano, espérant qu'elle allait
sortir, je me précipitais à ma porte, s'ouvrant sur l'escalier
commun , et j'y restais de longues heures en observation ,
l'oreille tendue, l'esprit perplexe, le cœur gonflé d'espoir et de
passion. Un jour, le piano venait de se taire, et bientôt j'en-
tends, dans l'escalier, un pas léger qu'accompagne une voix
de femme. Je me précipite, car on avait déjà dépassé ma
porte ; je saute les marches et je tombe sur un vieillard
aveugle qui descendait lentement, appuyé au bras de sa gou-
vernante. Honteux , je me retire après force excuses. Je
rentre chez moi, le cœur léger, songeant qu'eue est toujours
là, et je me remets, plein de joie, au travail.
   Le soir même, le maître d'hôtel me dit :
   — Le piano du 15 doit bien gêner Monsieur?
   — Âh !       le piano au dessus de ma chambre ?           mais
non!...au contraire, c'est très-agréable. Cela vous distrait,
cela vous donne du courage, cela...je l'aime beaucoup ce
piano!...
   — Monsieur est bien bon , reprend l'hôtelier. Il faut être
un peu endurant dans ce monde : c'est que la musique est la
seule distraction de ce monsieur.
   — Comment... ce monsieur? m'écriai-je.
   — Eh oui ! ce pauvre monsieur aveugle qui est ici avec sa
gouvernante et loge au dessus de vous...
   Je n'en voulus pas entendre davantage. Je rentrai chez