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DEUX. POÈTES PROVENÇAUX. 479 souffle, spiritus, en poésie ; il s'élève naturellement à des proportions plus grandioses, et, sous sa plume, l'humble scène campagnarde des Faucheurs, prend en sa rusticité les accents d'un hymne. I. Plantons nos aires (1), allons ! secouons l'indolence, et mouillons de sa- live le bord du marteau ! Je n'ai qu'une paire de braies, et qui tombent en loques, mais nul n'est tel que moi pour marteler les faux ! La femme et les enfants attendent la becquée ; la faux est ébréchée... Ce soir ils auront du pain. Je n'ai qu'une paire de braies et qui tombent en loques, mais nul n'est tel que moi pour marteler les faux ! A qui fait son métier, jamais ne manque le vivre. Mes amis, sur la hanche, ceignons nos coupé (2). Je n'ai qu'une paire de braies et qui tombent en loques, mais nul n'est tel que moi pour marteler les faux ! La fille et la mère prennent leurs gonds chapeaux ; les enfants des fau- cheurs apportent les râteaux. Je n'ai qu'une paire de braies et qui tombent on loques, mais nul n'est tel que moi pour marteler les faux ! Le plus jeune, à la main, dodeline une fouace ; l'aîné porte le bissac et chemine devant. Je n'ai qu'une paire de braies et qui tombent en loques, mais nul n'est tel que moi pour marteler les faux ! — Que portes-tu ? — Des piments, du cachât (3); des ciboules , un mor- ceau d'omelette. — En voilà bien assez ! Je n'ai qu'une paire de braies et qui tombent en loques, mais nul n'est tel que moi pour marteler les faux ! Tu es brave comme un sou!... — Mes amis, bon courage, partons pour la fauche, les faux sur le cou ! Je n'ai qu'une paire de braies et qui tombent en loques, mais nul n'est tel que moi pour marteler les faux ! (1) Aire, clavéu, enclume portative dont se servent les faucheurs pour marteler le tranchant de la faux. (2) Confié, étui de bois plein d'eau, dans lequel les faucheurs tiennent la pierre à . aiguiser. (3) Cachât, fromage pétri, qui acquiert par la fermentation un goût excessivement piquant.