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LE CHATEAU DE GARILLAN NOUVELLE. (SUITE) Bien qu'un jeune homme d'aussi peu d'expérience que moi dût être peu observateur, je ne laissais pas d'être frappé de la bizarrerie et de l'inconstance du caractère de Julien. Les quelques propos que je viens de rapporter suffisent à le mon- trer combien il passait rapidement de la plus intime confiance à une soudaine irritation ; du plus naïf, du plus joyeux aban- don à une mélancolie, à une tristesse môme, que je ne m'ex- pliquais pas. Etait-ce donc là l'effet de six ans tout au plus qu'il avait vécu loin de moi? Et si ce jeune homme savait trouver ainsi des chagrins, s'il avait si peu d'énergie pour les supporter et les dissimuler aux yeux, était-il sage de ma part de me rapprocher de lui, de mêler au torrent troublé de cette vie inquiète le cours limpide de la mienne?.., J'ai presque honte maintenant de te rapporter ces défiances. Je ne le fais que pour ne négliger aucun des traits importants de mon histoire, et je m'empresse de te dire que ces pensées ne furent que la suite de la réflexion. Mon premier mouve- ment avait été d'accepter sans arrière-pensée la proposition de Julien, cédant a l'entraînement de l'amitié, de la com- passion, de la curiosité si tu veux ; ou plutôt exclusive- ment, je le crois, à l'irrésistible sympaîhie que doit éveiller partout notre ami.