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NICOLAS BERGASSE. 41b
exorde personnelle ; après tant de travaux entrepris, tant de
dangers bravés pour faire triompher la cause des mœurs et
de l'honnêteté, c'est à des reproches qu'il me faut répon-
dre!... » Et l'auteur du Mémoire au roi s'efforçait en effet
de répondre à tout; mais en vain chercha-t-il à établir ju-
diciairement, soit le complot pour ravir une mère à ses en-
fants, soit la connivence du prince de Nassau, soit la véna-
lité de Lenoir, soit même la culpabilité de Beaumarchais. Il
n'y avait dans la cause que des présomptions, des probabili-
tés, des accusations vagues, qui peuvent émouvoir le public,
mais aucune de ces réalités sans réplique qui dictent seu-
les les décisions des magistrats. Un curieux épisode de ces
débats, qui m'a été transmis directement par un contempo-
rain, prouvera du reste quelles dispositions extrêmes le pu-
blic y apportait. Bergasse ayant demandé à la cour un ins-
tant de repos après une plaidoirie de plusieurs heures, un
huissier lui apporta le verre d'eau sucrée traditionnel. «Ne le
buvez pas, s'écria une voix de la foule , il est empoisonné ! »
L'avocat, se retournant gravement vers l'auditoire, vida
d'un trait la coupe suspecte, et l'auditoire d'applaudir à ce
trait renouvelé de Plutarque.
L'arrêt du parlement ne répondit point à cette partialité
passionnée des admirateurs de Bergasse. La «chambre des
Tournelles, présidée par M. Lepelleîier deSaini-Fargeau, ren-
dit , le 3 avril , un arrêt qui déclarait Kornmann non rece-
vable dans sa plainte en adultère, le condamnait à restituer
la dot, déchargeait Beaumarchais et le prince de Nassau de
l'accusation de complicité, mettait à néant la plainte contre
l'ancien lieutenant de police Lenoir, ordonnait la suppres-
sion des mémoires de Bergasse et de Kornmann, comme
contenant des faits faux et calomnieux, et les condamnait
chacun à 1,000 francs de dommages et intérêts.
Cette conclusion inattendue d'un différend que l'opinion