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                          NICOLAS BERGASSE.                           413

mann refusa hautement les nouveaux juges. D'autres temps
ont connu malheureusement des tribunaux d'exception dis-
posant sans contrôle de la liberté et de la vie des citoyens ;
mais ce que nous n'avons pas vu, c'est qu'on ait osé, c'est
qu'on ait pu parler en ces jours néfastes comme parlait
Bergasse il y a soixante et quatorze ans. « il ne nous
reste, écrivait-il, que des tribunaux qu'un homme de bien
ne doit pas reconnaître et où ne peuvent siéger que des
hommes corrompus, juges étrangers aux intérêts de la na-
tion et qui ne sont que des instruments serviles de l'autorité,
esclaves sans mœurs, hommes qui n'ont point d'amis, parce
que les coupables n'ont que des complices ! Quel espoir nous
reste? à qui nous adresser? Au roi. » Et développant ce
texte des livres saints : Loquebar de lestimoniis luis incons-
pectu regum et non confundebar, l'audacieux défenseur, qui
avait enfin trouvé la vraie mesure de son éloquence, s'écriait :
« Sire, vos ministres vous ont indignement trompé quand ils
ont osé vous dire que l'autorité des rois est absolue et qu'ils
ne doivent compte qu'à eux-mêmes de l'usage qu'ils jugent
à propos d'en faire. Une telle doctrine ne pourrait être
vraie qu'autant que la Providence n'aurait doué de la faculté
de raisonner que les hommes qui gouvernent, et qu'elle au-
rait organisé les autres hommes de façon à ce qu'ils trou-
vassent toujours sage la manière dont ils sont gouvernés....
Sire, vos ministres sont ici les seuls révoltés; ils vous ont
rendu étranger à votre peuple; ils ont rendu la résistance
à votre autorité, qui, sans la justice, n'est plus qu'une force
aveugle, un droit indispensable, et l'obéissance à cette même
autorité un forfait (1). »
   Que dites-vous, Messieurs, de la liberté de ces temps sin-
   (I ) Observation du sieur Bergasse sur l'écrit du sieur de Beaumarchais
ayant pour titre ; Court Mémoire en attendant l'autre, dans la cause du
sieur Kornmann.