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                      NICOLAS BERttÀSSE.                    351

étaient présents; puis, ayant brièvement exposé en latin le
sujet de son discours, il le prononçait en français et le ter-
 minait invariablement par autant de compliments particuliers
qu'il y avait eu d'apostrophes au début. Notre Académie, à
qui l'on réservait alors une place d'honneur dans toutes les
fêtes de Lyon, avait sa harangue finale, ni plus ni moins
qu'une tête couronnée. Après le discours, qui était tantôt
le panégyrique de quelque puissant personnage mort dans
l'année, tantôt une étude d'intérêt local, le plus souvent une
 thèse de Sorbonne sur un point de morale et de philosophie,
les noms des nouveaux échevins étaient proclamés par le
secrétaire de la ville. Puis on passait, au bruit des applau-
dissements, dans la salle du festin. Là commençait véritable-
ment la royauté du jeune docteur. Assis à la place d'hon-
neur, il avait â ses côtés le gouverneur et l'archevêque, et
jouissait jusqu'à la fin du jour de toutes les prérogatives du
prévôt des marchands. C'est à lui qu'on venait demander le
mot d'ordre de nuit pour la garnison ; c'est lui qui réglait le
programme du spectacle du soir, où il assistait en grande
pompe dans la loge officielle. Plus d'une fois quelque obscur
délinquant mis en liberté, quelque pauvre infirme admis par
faveur dans une des maisons de refuge de la ville, mêlait son
cri de reconnaissance à l'allégresse publique. Heureux règne,
Messieurs , heureux surtout de n'avoir que quelques
heures ! Touchant triomphe de la parole dans une cité où
l'art oratoire est de tradition populaire, et qui devait prendre
sa glorieuse part de cette autre fête de l'éloquence que la
France s'est donnée pour gouvernement pendant quarante
années !
   Ne manquerait-il pas un trait à ce tableau des mœurs de
nos pères, si j'oubliais de rappeler que le joyeux et solennel
festin du 21 décembre fut supprimé pendant de longues an-
nées par la naïve raison que les finances de la ville n'étant