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           UNE CURE HÉROÃQUE
                         ANECDOTE.




    La gourmandise est le péché mignon des Chablaisiens ;
leur noblesse laisse souvent ses châteaux s'écrouler pierre
à pierre ; leurs tourelles peuvent chanceler, leurs murs se
crevasser ; mais si leurs girouettes rouillées, sont tournées a
rencontre du vent, en échange les tournerbroches de leurs
offices toujours bien huilés, proclament une civilisation gas-
tronomique très-dé veloppée.
   Les cuisinières cordon-bleu abondent dans ces giboyeuses
contrées ; Carême y eût pu trouver des recettes précieuses :
l'avarice même s'y prosterne devant ce penchant invincible
aux jouissances de la table; les Harpagons indigènes se mé-
tamorphosent en Lucidlus, pour régaler dans de splendidçs
festins leurs voisins de campagne, et l'étranger que son
heureuse étoile y conduit est accueilli comme l'enfant pro-
digue; deux veaux gras, plutôt qu'un, sont tués pour y
fêter sa bienvenue.
   La longueur des repas y est en harmonie avec la profu-
sion des mets ; commencés au cœur du jour, il n'est pas
rare qu'ils s'achèvent en pleine nuit, et le rot du premier
service est digéré dès longtemps quand survient le dessert.
Quelquefois la vaisselle est loin de répondre à la recherche
et a la délicatesse des mets; les plats sont souvent fendus,
les assiettes ébrèchées, les verres dépareillés ; il est rare
que les deux flacons de l'huillier soient jumeaux; les cou-