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CHRONIQUE LOCALE. Un changement de résidence est un des événements les plus graves de la vie, c'est une date qui ne s'oublie jamais. On a beau se dire qu'on n'a pas de patrie puisqu'on demeure rue du Bac, on n'abandonne pas sans regrets le lieu où on est né, le doux réduit où on a reçu le baptême d'une fée bienveillante et gracieuse. Entraînée par l'exemple, la Revue du Lyonnais a quitté son quai Saint-Antoine si poétique et si riant; elle a fui, le cœur gros, ce nid où elle était née entourée d'amis dévoués et fidèles, ce salon de Boitel, où de jeunes écrivains prédisaient à la jeune feuille le plus riant avenir. Que de regrets elle a donnés à ce beau vallon de la Saône, à cette maison hospitalière où Pclzin avait établi son imprimerie peu après le siège de Lyon, quand les colères populaires grondaient encore et que Collot- d'Herbois n'avait»pas perdu tout espoir de retour! Mais dans le nouveau local qu'elle s'est choisie, elle a eu le bonheur de retrouver un non moins poétique souvenir. Les jardins de Louise Labé lui seront propices, pense- t-elle, et aujourd'hui qu'elle habite un emplacement fréquenté jadis parles belles dames, les grands seigneurs, les artistes, les poètes et les beaux esprits du temps, elle espère être plus que jamais la confidente et la favorite des écrivains de nos jours. Que l'avenir lui sourie donc dans l'antique demeure de la Belle Cordière, et que plus grande et plus forte que jamais, elle n'ait point à regretter le temps o ù , humble et timide, elle ne vivait que des soins, des sacrifices et du dévouement du spirituel et intelligent Boitel. La voilà installée à présent, il lui a fallu bien du temps pour s'organiser et s'établir. Son apparition a été deux fois retardée ; elle croit pouvoir promettre à ses anciens et à ses nouveaux amis qu'elle marchera d'un pas ferme désormais et qu'on n'aura plus à se plaindre de l'irrégularité de ses apparitions. Elle n'en a pas moins à regretter les inexactitudes du passé et surtout à demander pardon de n'avoir pu ni rappeler les nombreux concerts du mois précédent, ni signaler les plus brillants tableaux de notre belle exposition, ni appeler l'attention sur les travaux de nos écrivains ou sur les meilleures pièces de nos deux scènes ; ce sont des dettes qui l'écrasent ; elle ne peut les payer aujourd'hui, mais elle s'acquittera un jour et c'est avec reconnais- sance qu'elle remerciera ceux qui, dans ses embarras, lui ont conservé leur vive et sincère amitié. A. V. Aimé VINGTRIMER, directeur-gérant.