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34 NOTICE HISTORIQUE: mouvement, qui, pour lui, n'était pas le progrès. La rési- gnation ne l'avait pas amené a subir sans douleur des chan- gements en opposition, avec tous ses primcipes. Ses regrets du moins n'étaient pas ceux d'une âme vulgaire. Pensant librement il parlait avec franchise ; la fermeté de ses croyances dictait la vivacité de son langage; modéré dans ses intentions et dans ses actes, ses paroles étaient ardentes parce qu'en politique comme en médecine, il était pénétré de ce qu'il enseignait, de ce qu'il pratiquait. Ami de cette liberté calme et décente, dont celui qui n'abuse pas ne peut consentir a être privé, il redoutait, répétait-il, le délire de la liberté, le despotisme de la foule qui, sans les absoudre, provoquent souvent les réactions contraires. Je le vois encore durant les temps de désordre, d'agita- tion populaires qui ont attristé ses dernières années, me ten- dre sa main amicale, m'aborder avec le vers de Catulle: 0 sœclum inflciens et injicetum ! Le souvenir des épreuves, des tribulations qui avaient assailli sa jeunesse, venait le troubler, l'empêchait de com- prendre notre époque, la lutte engagée entre l'esprit ancien et l'esprit nouveau, entre le passé et l'avenir. N'étant point indifférent, comment s'étonner qu'il ne fût pas toujours impartial? Ses jugements étaient absolus et rigoureux, il parlait sans ménagement de ces hommes qui, après avoir professé un violent amour pour la liberté, se montraient si faciles à la sacrifier. Il lui était permis de répondre hardiment, avec le philosophe de l'antiquité, à ceux dont ses dispositions ou ses paroles pouvaient froisser les susceptibilités ou les senti- ments: « Je suis honnête homme, je ne vous craindrai jamais. » Parfois, il manquait peut-être de ces formes douces et con- ciliantes qui, sans blesser la vérité, sont capables de mieux