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TROIS MOIS AU-DELA DES ALPES. Lorsqu'on s'éloigne de sa patrie, c'est une charmante chose de partager ses plaisirs et ses peines avec un ami. Je ne vous ferai pas valoir le parti ' que l'on peut retirer l'un de l'autre dans les circonstances embarrassantes, mais bien le charme de sentir à côté de soi un vivant témoin de vos affections, de vos habitudes, un autre, vous-même enfin, qui comprenne vos demi-mots et les points divers de com- paraison que vous pouvez établir entre le pays que vous quittez et celui que vous allez parcourir. Je puis l'attester, jamais deux êtres qui s'associèrent ici- bas, pour une entreprise quelconque, ne furent mieux faits l'un pour l'autre que mon ami Emile et moi, par la confor- mité des goûts et le contraste des caractères. Mon compa- gnon était systématique et persévérant à outrance , et moi, flâneur au-delà de toute expression. Il lui fallait voir, toujours voir sans trêve aucune, moi, j'aimais quelque peu le gaspillage des heures et des jours. — Alors lutte entre vous?— Point du tout, bonne harmonie, paix profonde... Nous avions trouvé la solution du problème si difficile d'obéir et de commander chacun a notre tour et selon notre appétit. Je passerai sous silence l'étendue de pays comprise entre Lyon et Marseille. Cependant je ne puis taire la double im- pression que j'éprouvai en quittant ce centre de mes affec- tions, de mes espérances et de mes regrets , ce triple et perpétuel aliment de l'âme humaine, sentiment, je l'avoue,