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M. VICTOR DE LAPRA.DE. 485 Celte ode est, je le répèle, le pas le plus extrême que M. de Laprade ait fait dans ces fausses voies du panthéisme; il faut l'en blâmer ; mais il faut le louer aussi d'avoir su s'ar- rêter à temps, d'avoir eu le courage de résister au courant, et de le remonter. Pan est, après tout, si j'ai bien saisi le sens du mythe antique , le symbole de la vie matérielle dans l'univers. Or , chez M. de Laprade, le matérialisme , s'il fait effort pour pénétrer , ne parvient du moins jamais à domi- ner : toujours l'idée spirilualisle , victorieuse d'une éclipse passagère , parce et se révèle par quelque coin lumineux ; et toujours, au moment où l'accent des idées inférieures semble nous préparer à une chute définitive, un coup d'aile relève le poêle, et avec lui le lecteur, dans la sérénité des sphères im- matérielles. Je n'étonnerai assurément personne en disanl que , môme dans ces pièces répréhensibles au poinl de vue que j'ai indi- qué, la beauté de la forme et la perfection du vers restent les mêmes: ni faiblesses, ni négligences , ni dissipations du talent. Le penseur s'égare un peu; le poète reste. Mais il est d'autres morceaux du recueil que je dois signaler d'une ma- nière particulière pour la grâce et l'harmonie qui les dis- tinguent : La chanson de l'alouette, Sunium, Au printemps : ces pièces et d'autres encore, s'il existait une antho- logie française, en formeraient les plus belles fleurs, et suffi- raient pour y assigner à M. de Laprade le premier rang. Cependant, lout en admirant, je m'affligeais de remar- quer choz notre poète l'absence prolongée du sentiment. Sa poésie est forte, puissante, gracieuse ; c'est la pureté des lignes, la beauté suave et sévère des belles têtes du Par- Ihénon; mais, sauf une noie exquise dans l'ode: Sur la montagne, il y manquait, à mon avis, ce divin frissonne- ment de la lyre qui vient du cœur, qui émeut el passionne, et arrache les larmes; le dirai-je aussi? je le dirai bien