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442 M me RISTORI. lienne, et même des mélodrames comme Pia d'e Tolomei, lorsqu'ils sont interprétés par M rae Ristori. Il se peut, somme toute, qu'on s'y amuse moins qu'à une audition de M. Dumas fils ou de M. Adolphe Adam, mais à coup sûr il y a plus de profit pour l'esprit. 11 n'est pas jusqu'à l'effort que fait le spectateur pour comprendre la langue nouvelle qu'on parle devant lui, pour saisir le fil des péripéties et les rapports entre les situations et le jeu de l'artiste qui ne soit avantageux à l'esprit. Le travail intérieur auquel chacun se livre pour établir à sa façon un parallèle entre les procédés du génie italien et ceux du génie français ne laisse pas que d'être extrêmement salutaire. Nul doute que de cet exercice moral le moi esthétique ne sorte fortifié et enrichi. Aussi, pour notre part, regrettons nous que Mme Ristori n'ait pas prolongé son séjour à Lyon et fourni ainsi au public le moyen d'étudier à loisir son talent sous tous ses aspects et de se familiariser avec sa manière, avec ses habitudes. Elle n'a joué que trois fois : dans Maria Stuarda, Pia d'e Tolomei et Myrrha. Les controverses que sa présence a soulevées ayant surtout porté sur celte dernière pièce, le lecteur nous permettra de nous y arrêter de préférence. Aussi bien, c'est par le rôle de Myrrha que M me Ristori s'est soudainement relevée à la critique parisienne et ce rôle reste après tout sa création capitale. La première question que je m'adresse, parce que tout le monde se l'est posée, est celle-ci : la pièce do Myrrha est-elle immorale 1 ne peut-on assister à ce spectacle sans rougir, sans se voiler les yeux ? le caractère de ce rôle accuse-t-il tout à la fois et le poète qui l'a conçu et l'artiste qui le représente ? Tout bien pesé, et à voir froidement les choses, j'incline à penser qu'il y a eu beaucoup d'exagération dans tout ce qui a été articulé à ce sujet. Myrrha repose, il est vrai, sur une donnée scabreuse, et même, si l'on veut, impossible ; et je suis tout prêt à répéter avec le poète des Métamorphoses commençant le récit d'où Alfieri a tiré sa tragédie : Natse procul hinc, procul este parentes ! 11 s'agit en effet de l'amour d'une fille pour son père ; c'est l'inceste dans toute son horreur, sans atténuation d'aucune sorte. Mais pour être impos- sible et d'une nature odieuse, dira, selon l'épithcte d'Ovide, la pièce en elle-même n'est pas ce qu'on peut appeler licencieuse, pernicieuse pour les mœurs, dans le sens où l'ont entendu jusqu'à présent les moralistes qui ont traité de l'influence du théâtre, depuis Platon et Cicéron jusqu'à Bossuet et J.-J. Rousseau. Alfieri n'est pas le premier qui ait osé s'emparer d'une pareille donnée pour la faire servir à des combinaisons dramatiques. Non seulement les an-