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lienne, et même des mélodrames comme Pia d'e Tolomei, lorsqu'ils sont
interprétés par M rae Ristori. Il se peut, somme toute, qu'on s'y amuse moins
qu'à une audition de M. Dumas fils ou de M. Adolphe Adam, mais à coup
sûr il y a plus de profit pour l'esprit. 11 n'est pas jusqu'à l'effort que fait le
spectateur pour comprendre la langue nouvelle qu'on parle devant lui, pour
saisir le fil des péripéties et les rapports entre les situations et le jeu de
l'artiste qui ne soit avantageux à l'esprit. Le travail intérieur auquel chacun
se livre pour établir à sa façon un parallèle entre les procédés du génie italien
et ceux du génie français ne laisse pas que d'être extrêmement salutaire.
Nul doute que de cet exercice moral le moi esthétique ne sorte fortifié et
enrichi. Aussi, pour notre part, regrettons nous que Mme Ristori n'ait pas
prolongé son séjour à Lyon et fourni ainsi au public le moyen d'étudier
à loisir son talent sous tous ses aspects et de se familiariser avec sa manière,
avec ses habitudes.
  Elle n'a joué que trois fois : dans Maria Stuarda, Pia d'e Tolomei et
Myrrha. Les controverses que sa présence a soulevées ayant surtout porté
sur celte dernière pièce, le lecteur nous permettra de nous y arrêter de
préférence. Aussi bien, c'est par le rôle de Myrrha que M me Ristori s'est
soudainement relevée à la critique parisienne et ce rôle reste après tout
sa création capitale.
  La première question que je m'adresse, parce que tout le monde se l'est
posée, est celle-ci : la pièce do Myrrha est-elle immorale 1 ne peut-on assister
à ce spectacle sans rougir, sans se voiler les yeux ? le caractère de ce rôle
accuse-t-il tout à la fois et le poète qui l'a conçu et l'artiste qui le représente ?
  Tout bien pesé, et à voir froidement les choses, j'incline à penser qu'il
y a eu beaucoup d'exagération dans tout ce qui a été articulé à ce sujet.
Myrrha repose, il est vrai, sur une donnée scabreuse, et même, si l'on veut,
impossible ; et je suis tout prêt à répéter avec le poète des Métamorphoses
commençant le récit d'où Alfieri a tiré sa tragédie :
              Natse procul hinc, procul este parentes !

   11 s'agit en effet de l'amour d'une fille pour son père ; c'est l'inceste dans
toute son horreur, sans atténuation d'aucune sorte. Mais pour être impos-
sible et d'une nature odieuse, dira, selon l'épithcte d'Ovide, la pièce en
elle-même n'est pas ce qu'on peut appeler licencieuse, pernicieuse pour
les mœurs, dans le sens où l'ont entendu jusqu'à présent les moralistes
qui ont traité de l'influence du théâtre, depuis Platon et Cicéron jusqu'à
Bossuet et J.-J. Rousseau.
  Alfieri n'est pas le premier qui ait osé s'emparer d'une pareille donnée
pour la faire servir à des combinaisons dramatiques. Non seulement les an-