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368 LE VEAU D*OR. Faisant tonner partout sa voix retentissante, Obligeât Turcaret à changer le ruban, Qui l'asseoit sans justice à votre même banc ! Si notre homme consent à laisser quelqu'épave De sa superbe croix au glorieux zouave, Vous ne le verrez pas en céder bien souvent Au poète inutile, à l'artiste, au savant. Il ne les pose pas même dans sa balance ; Car il a sur eux tous un avantage immense. N'est-ce pas lui qui peut acheter un tableau, Commander son portrait, ou bâtir un château ; Qui, lorsque le savant fait une découverte, Offre pour l'exploiter sa riche bourse ouverte ? Quant au pauvre poète il ne le connaît pas ; Son œil indifférent ne plonge pas si bas. Il pense que Veuillot, en attaquant Virgile, Est vraiment bien naïf de s'échauffer la bile, Jamais par Turcaret les bosquets empestés Du Pinde et de Paphos n'ont été fréquentés ; Ses classiques chéris sont Brillât et Carême, Et pour lui l'Univers n'aura point d'anathème. La Rome des Césars ne trouva pas urgent D'élever à grands frais un palais à l'argent ; Elle n'eut pas l'honneur d'imaginer la Bourse, Et le fœnerator n'avait d'autre ressource Que" le droit des Romains d'établir leur salon Autour du puteal consacré par Libon. C'était en plein Forum, sous la chaleur solaire, Au milieu des regards du profane vulgaire. Aujourd'hui, grâce au ciel, les temps sont bien changés : Les dévots du veau d'or, superbement logés, Sous l'abri corinthien d'un quadruple portique, Paraissent les égaux du Jupiter antique. Si le roi de ces lieux ne tient pas en ses mains La foudre, qui jadis effrayait les humains,