page suivante »
LE FAUX LIGNON. Tous nos lecteurs connaissent de nom la rivière sur les bords de laquelle Honoré d'Urfé a placé la scène de son cé- lèbre roman ù^Astrèe. Pour beaucoup de personnes, cepen- dant, le doux coulant Lignon, dont les ondes reçurent le ber- ger Céladon dans son désespoir amoureux, n'a pas plus de réalité que le fleuve du Tendre de Mlle Scudéry. C'est une erreur d'où les aurait tirées la lecture du roman d'Honoré d'Urfé, si elles avaient eu le courage de l'entreprendre; et peut-être y auraient-elles trouvé quelque plaisir, en dépit de la réputation d'ennui qu'on lui a faite. Quoi qu'il en soit, le théâtre de ce roman est très-réel : les personnages seuls sont fictifs, sinon tout-à -fail imaginaires. La description des lieux est parfaitement exacte, comme on en pourra juger par le début du livre: « Auprès de l'ancienne ville de Lyon, du costé du soleil couchant, il y a un pays nommé Forests, qui, en sa peti- tesse, contient ce qui est de plus rare au reste des Gaules ; car estant divisé en plaines et en montagnes, les unes et les autres sont si fertiles et scituées en un air si tempéré, que la terre y est capable de tout ce que peut désirer le labou- reur. Au cœur du pays et le plus beau de la plaine, ceinte comme d'une forte muraille, de monts assez voisins, et ar- rousée du fleuve de Loire, qui prenant sa source assez près 16