page suivante »
400 LA SUAVIOLA. — Tout de suite après t'avoir serré sur son cœur, elle m'a appelé, elm'a dit : — Il se trouve mal... je viens de l'em- brasser... veillez sur lui, et voila un papier pour vous. Puis, elle est montée en voiture, malgré la nuit, et s'csl éloignée. Maintenant nous ne la verrons plus.... Le papier que mademoiselle de la Fare avait remis à son chapelain lui annonçait, d'abord, qu'elle l'avait fait nommer curé d'une petite paroisse des environs; ensuite, qu'elle le priait de vendre son argenterie el d'en accepter le prix en témoignage de reconnaissance. — Sainte fille! sainte fille! murmurait l'abbé en sanglo- tant. Mais bientôt le visage du placide ccclésiaslique reprit son calme ordinaire. En un instant, le naïf abbé venait d'être ramené par la force de l'habitude a ses studieuses préoccu- pations. Il poussa une exclamation, comme quelqu'un qui regrelle d'avoir élé distrait du cours de ses pensées et qui y revient. — A propos, s'écria-l-il, tu vas dans les Alpes, et tu y chercheras la suaviola, plante rare, merveilleuse, que je n'ai jamais pu me procurer. Oh ! si lu parvenais à la trouver, tu me l'enverrais, n'esl-cepas? — Oui, répondit Etienne, subissant pour un moment la diversion que venait de faire à son chagrin cette réminis- cence de botaniste. — La suaviola, dont je t'ai parlé tant de fois, continua l'abbé, serait un bien intéressant sujet d'observation. Elle est le contraire de la sensilive. La sensilive resserre ses feuilles au moindre attouchement. La suaviola tes enlr'ouvre à l'ap- proche du contact, comme un enfant qui offre un baiser. Et le bon chapelain 9'arrôla un moment sur cette gra- cieuse image. Puis il reprit :