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402 LA SUAVIOLA. des lieux, afin que je puisse m'orienter et arriver an bas- fond» où je dois trouver la plante dont vous m'avez parlé. Le douanier le satisfit, autant qu'il le put; et, au lever du jour, le jeune lieutenant se mil en route, revêtu d'un simple costume de chasseur. Au lieu de hâter le pas, il marchait lentement, songeant à la bienfaitrice qu'il ne devait plus revoir, au bon chapelain dont il était séparé, mais se répétant que puisque les tendres relations de sa jeunesse étaient brisées, il était heureux que sa vie solitaire ne l'obligeât à les remplacer par aucune re- lation importune et lui laissât toute la liberté de ses senti- ments. Il se trouvait ainsi dans cette disposition d'esprit, triste et douce à la fois, où les souvenirs prennent la teinte idéale de la rêverie, disposition d'esprit que connaissent seules les âmes délicates et à laquelle elles restent souvent livrées du- rantde longues heures, sans s'apercevoir de la fuite du temps, i l chemina de la sorte tout une partie du jour, absorbé par ses vagues pensées, au point de ne plus avoir conscience des objets qui l'entouraient. Tout à coup, arrivé à un brusque détour du sentier qu'il suivait, il lui sembla entrevoir, dans un massif de mélèzes, comme l'ombre d'une jeune fille. Mais la vaporeuse image disparut, ne lui laissant qu'une confuse et fugitive-percep- tion de son rapide passage. Il eut beau chercher, regarder, appeler, il ne trouva rien, ne vit rien, n'entendit rien. — Pour le coup, se dil-il, je ne sais si j'étais endormi pu si j'étais éveillé !... Mais il est plus probable que j'étais en- dormi el que, tout en marchant, j'ai songé que je voyais dan» ce désert une jeune fille... belle... seule... el disparaissant comme tes plus légers nuages, du malin... Oh! les rêves, les rêves se plaisant à nous montrer l'invraisemblable, l'impos- sible el à se jouer de notre pauvre raison !...