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VOYAGE A ROME. 297 dissait son immense ellipse de briques rouges, qui semblaient encore suinter le sang des grands carnages. A gauche, le mont Capitolin, se découpant sur l'auréole ardente du cou- chant. Devant moi, le Forum et tous les souvenirs de cette tribune du monde. Au-dessous, les piscines où les impéra- trices teignaient en roux leur noire chevelure, — tout comme MIles X., Y., Z., habitue'es de Bellecour. Je voyais la Voie sacrée et le péristyle encombrés de la foule des courtisans, l'entrée triomphale des généraux vainqueurs, les assemblées tumultueuses du peuple, l'aspect imposant du Sénat, les grandes fêtes et les grandes orgies. Je voyais la reine des nations dictant des lois à l'univers, les peuples prosternés, et les rois essuyant de leurs barbes ambrées les sandales des vétérans... En ce moment, un petit bonhomme en livrée m'avertit qu'il était temps de sortir. Éveillé comme d'un rêve, je me trouvai en face d'un très-beau carré de choux... Je m'en allai navré sans trop savoir pourquoi. Il est vrai que mon cigare était détestable... Plus tard j'ai réfléchi que les peuples se prosternent bien encore un"peu... mais si peu !.,. Quant aux rois, ils n'es- suient plus du tout de leurs barbes ambrées les sandales des vétérans. 1 est vrai que la pommade hongroise a remplacé 1 l'ambre, et que les vétérans — de bons petits jeunes gens — s'appellent les zouaves pontificaux. Je n'ai pas évoqué la Rome du moyen-âge. Pourquoi?... Ceci est une affaire de nerfs ; les anathèmes, les : Crois ou meurs, les menaces et les malédictions au nom du Dieu de paix, m'agacent au dernier point, et je professe une profonde horreur pour l'Inquisition. Du reste, à part cela, lâ*Rome des papes est encore vivante dans ce qu'elle a eu de beau et de rationnel: ses églises, ses galeries, ses monuments, ses travaux artistiques et littéraires.