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168 CHRONIQUE LOCALE. les grands seigneurs pour avoir demandé ce que nous avons aujour- d'hui : l'égalité devant la loi, la suppression des privilèges, les ré- compenses personnelles, le contrôle de tous dans les affaires du pays, enfin des écoles spéciales pour l'industrie comme pour les sciences. Il voulait encore, ce bon abbé, une confédération européenne de tous les peuples chrétiens avec un Congrès chargé de régler les différends. Si nous n'avons pas encore ce dernier objet, M. Soupe nous le fait espé- rer ; mais alors il faudra ériger une statue à l'inventeur. On y pensera bientôt, sans doute, seulement nous croyons que le bronze n'est pas encore acheté. — De l'abbé de Saint-Pierre à Oiïenbach le saut est immense. Nous le faisons. Le Grand-Théâtre a donné Robinson Crusoé, le nouvel opéra si prôné à Paris. Les souvenirs de notre enfance sont peut-être pour beaucoup dans le succès de cette pièce ; cependant une musique vive et pétillante, des situations excentriques, des paroles à cascades, de jolis décors suffiront-ils pour attirer la foule et ramener à son île ceux qui auront vu Robinson une fois ? Il y a loin de là pourtant à cette œuvre qui a nom Y Africaine. Là tout est grandiose, ample et superbe. La musique, le sujet, les décors, le drame, la passion, tout saisit, tout, excepté pourtant le caractère de ce malheureux Vasco de Gaina, si peu ressemblant à l'histoire, si peu digne d'être un héros. U nous rappelle un autre piètre personnage futile, sot, vain, pitoyable, qu'un célèbre librettiste a mis en scène sous le nom de Robert-le-Diable. Même nullité, même indécision, même lâcheté, même ingratitude. Scribe ne voyait pas l'humanité sons un beau côté, et ce n'est pas lui qui aurait créé des héros de douze pieds comme Homère. Quoi qu'il en soit, la foule s'en contente ou plutôt si elle n'admire pas Vasco de Gaina, elle s'émeut aux accents de Meyer- beer et s'apitoie au malheur de la tendre et sublime Séiika. Qu'on ne se plaigne pas de la froideur du public. Les représenta- tions de Y Africaine montrent ce qu'il faut en penser. Aux belles œu- vres la foule immense et les applaudissements passionnés. — Dans un milieu moins bruyant, les études archéologiques se continuent avec ardeur M. Joseph Minjoilat vient de publier un Essai historique sur Beaurepaire d'Isère, jolie brochure in-8, qui fait hon- neur aux presses viennoises, et un jeune ecclésiastique, M. l'abbé Ammann, met en ce moment en vente chez Briday une Notice histo- rique sur Tarare, premier ouvrage sorti de la nouvelle imprimerie créée par M. Girin. Cette ville, qui grandit si rapidement, n'avait pas d'histoire, et c'est un service dont on doit lui tuiir compte que M. Ammann a rendu à ses concitoyens. Disons-le bien haut, pas de plus noble, pas de plus douce occupation que de sauver de l'oubli la mémoire de nos pères. — C'est le 17, date mémorable, que le premier coup de pioche a été donné aux démolitions de la rue de la Barre. Ceci pour les cher- cheurs de l'avenir. A. V. AIMÉ VINGTRINIER,directeur-gérant.