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ESSAI SUtt LE LIVRE DE JOB. 233 Il y a un très-grand danger de méprise à parquer de la sorte les prophéties, en appliquant, d'une manière exclusive, à une époque déterminée, des oracles dont le caractère ne peut être nettement défini. Qui vous assure que la prescience divine a borné sa vue à votre objectif? Les signes avant-coureurs des derniers temps ont commencé avec la prédication de l'Evangile. Alors éclatent déjà les convulsions de la nature, les bouleversements politiques, les guerres des peuples contre les peuples, la chute des astres dans la défection des grandes lumières de l'Église. Il n'est pas jusqu'à l'Antéchrist dont l'apparition ne soit signalée. Écoutons saint Jean (1) : La dernière heure presse, novissirna hora est, parce que l'Antéchrist vient, quia Antichristus venit, et que beaucoup se sont faits Antechrists, et nunc Àntichristi multi facti sunt. Puis l'Antéchrist est celui qui nie le Père et le Fils, hic est Antichristus qui negat Patrum et Filiuin. Et il y avait déjà des hérétiques qui soutenaient cette erreur capitale. Les peuples ne s'y trompent point. Consultez l'histoire : N'est-U pas vrai qu'à chaque ébranlement social on voit les hommes se prendre à redouter la prochaine dissolution du monde ? On y croit au sein des persécutions ; on y croit à mesure qu'on entrevoit la ruine de l'em- pire romain ; on y croit à l'invasion des barbares, qui semble amener le chaos. Cette croyance reparaît avec un caractère tout particulier au milieu des désordres du moyen-âge. Enfin, depuis près de quatre- vingts ans, la prévision de la fin ne cesse d'agiter les hommes de foi, consternés à la vue des éléments de révolution qui minent le corps social. M. Moglia, qui rappelle cette persuasion traditionnelle, veut qu'elle ait été l'erreur des générations qui ont précédé la nôtre, mais il n'hésite pas à la croire fondée aujourd'hui, et il énumère une foule de symptômes qui, d'après lui, font pressentir l'approche des der- nières catastrophes. Aveugle qui ne les voit pas! car, pour M. Moglia, ils sont évidents. Écoutons-le parler lui-même : « Il est certain, dit-il, qu'à notre époque tous les trônes sont ébranlés. Pas un souverain solidement assis, pas un qui puisse répondre du lendemain. Ceux qui président à la destinée des peuples sont à bout de ressources. Toutes les formes de gouvernement sont épuisées. Il y a une puissance occulte et souterraine qui remue la société de fond en comble. Depuis long- temps nous sommes sous le fléau d'une paix armée. L'Europe fourmille de soldats ; ils se comptent par millions. Les pouvoirs disposent de la (1) Epist. c. n.