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                    CINQ-MARS ET DE THOU.                    153

voulut souffrir ; il dit au bourreau de le faire ; qu'il se mo-
 quoit de celte vanité. Comme on lui parla de pardonner, il
répartit : Qu'il n'avoit point de vengeance ni d'emmosité,
qu'il avoit de l'obligation a cet ami (parlant de M. de Cinq-
Mars), qu'il crcyoit l'avoir chargé, puisqu'il sortoit de ce
monde où il n'avoit jamais rien fait ; que ce moment, qui lui
restoit, il le falloit profiter pour une éternité.
   Après, considérant son crucifix : « Mon Dieu, dit-il, j'ai
« vécu pour mourir ; aussi, si j'ai de la constance, c'est à
« votre bonté que je l'attribue, puisque vous me la don-
« nez .... de Lyon que j'aille en Paradis. »
   Et comme il fut sur le poteau, il prit frayeur du sang de
Monsr de Cinq-Mars, demanda un mouchoir pour se bander
et mettre sur le poteau, disant : « Messieurs, je suis pol-
« tron, je crains la mort ; quand j'en entends parler, je
« tremble et je frémis           > Aussitôt on lui jeta trois mou-
choirs ; les ayant, il dit : « Messieurs, je vous remercie de
« ce bon office : je prie Dieu qu'il me fasse la grâce de m'en
« ressouvenir en Paradis. »
   Il mit la tête sur le poteau, où il reçut deux coups : son
corps se leva, retombant sur féchafaud, où il reçut encore
trois coups, avant que sa tête fut séparée du corps.
   Les corps furent a l'instant emportés aux Feuillans, par
l'ordre de M. le chancelier         et moi, les armes en main et
les larmes aux yeux, je me retirai chez moi avec mes hom-
mes, qui empêchèrent que le peuple ne tuât le bourreau.


                       (D'après une copie manuscrite.)


Revue de Toidouse. — Décembre 1867.