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LA SUAVIOLA. 399 Mademoiselle de la Fare était trop tendre et trop faible pour lui reprocher celte conduite. Elle vit, au contraire, son retour avec joie, et il recommença, avec le digne chapelain, la vie rêveuse de son adolescence. Mais celle facile existence devait bientôt avoir un terme, Depuis quelque temps, mademoiselle de la Fare, d'une humeur habituellement douce et égale, avait perdu la séré- nité de son caractère. Elle était en proie i\ de fréquents accès de tristesse. Plusieurs fois, Etienne lui avait demandé la cause de ce changement, sans avoir pu recevoir de réponse positive, lorsque enfin,un soir, au moment où il prenait congé d'elle, elle l'attira dans ses bras, en fondant en larmes, et lui dit: — Mon enfant, mon insouciance m'a ruinée. Il ne me reste plus, tout compte fait, qu'une petite rente de cent louis. J'en garde la moitié pour payer mon entrelien dans le cou- vent où je vais entrer, et je te laisse le reste. Ce sera, sans doute, insuffisant. Mais le dernier survivant des amis de ma famille, à qui je t'avais recommandé, il y a déjà quelques jours, m'écrit qu'il a obtenu pour loi le grade de lieutenant dans le service actif des douanes. Il faudra que dès demain tu te rendes à ton poste, dans les Alpes. Adieu, mon enfant.... Je veux, de mon côté, ne pas différer mon départ el m'épargner la douloureuse épreuve d'une nouvelle entre- vue.... Je ne me sens pas assez de force pour le répéter encore qu'il faut nous quiUer.... Etienne s'évanouit. Sa défaillance fut longue. Lorsqu'il recouvra ses sens, l'abbé Bertrand était près de lui. — Ma bienfaitrice!... fut la première parole que pro- nonça Etienne. — Elle est partie, dit le chapelain. — Partie!... répéta douloureusement Etienne.