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• 47°                 CHRONIQUE THÉÂTRALE
 soit au Parc, soit à notre promenade de Bellecour ; néan-
 moins nous aurions dû venir en plus grand nombre saluer la
 résurrection du vieux répertoire, saluer Molière qui revenait
 reprendre ses droits avec le Dépit amoureux et le Médecin
 malgré lui. — Deux chefs-d'œuvre.
    Connaissez-vous quelque chose tout à la fois de plus co-
 mique et de plus touchant que cette première pièce ? —
 Quelles scènes de vraie comédie ! que de beaux vers et
 d'aisance dans leur facture et la rime que Molière trouvait
 si vite et Boileau si lentement. Comme cette langue que ce
 grand maître parle est claire, nette, bien frappée ; comme
 aussi elle est bonne fille, vive, alerte, gaillarde, franche,
 point bégueule, surtout ! car Molière est de ceux qui osent
 tout dire et qui disent bien. — S'il a une grosse vérité sur
 le cœur, un ridicule à rendre, ne croyez pas qu'il hésite —
 il ne marchandera pas et n'emploiera pas ces biais, ces che-
 mins de traverse, ces détours, ces sous-entendus à la mode
 aujourd'hui et à la faveur desquels passent les plus grosses
 et les plus monstrueuses obscénités. — Lui, il prend tou-
 jours la grande route ; il trouve le mot propre et il s'en sert
 justement, proprement et quand il convient. Mais surtout,
 chez lui, quelle profonde connaissance des mystères et des
 agitations du cœur humain, de ses caprices, de ses défaites
 et de ses retours soudains ! Quoi de plus touchant et de plus
 vrai que cette scène du donec gratus eram, cette scène où
 Lucinde et Eraste refont, chacun à leur tour, les premières
 strophes de l'ode immortelle d'Horace jusqu'à ce que ce
 dernier arrive au •" Quid! si prisca redit Venus, que Molière
 a rendu si bien et que M. Fleury-Gœury dit si mal :


         Mais si mon cœur encor revoulait sa prison,
         Si tout fâché qu'il est, il demandait pardon ?