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VARIÉTÉS 309 tes les compagnes qu'elle rencontrait. — Elle était infatiga- ble ; que de courses nous avons faites encore ensemble dans ce grand sentier de la forêt, où le soleil venait se jouer avant de s'endormir dans le feuillage. Que de fois nous l'avons parcouru et sans nous lasser jamais, elle pour m'être agréable, moi pour m'élever vers les sphères céles- tes sur l'aile d'or d'un rêve enchanté, pour appeler l'infini, le vague, Dieu qui parle dans le monde, pour m'abîmer enfin dans cette nature qui, comme nous, tressaille et raconte elle-même, aussi bien que l'homme, dans un sublime langage, les gloires et les magnificences de son divin auteur. Ainsi se passaient, avec voiture de grand-père, mes jours de jeunesse, jours de folie, d'insouciance, de gaîté, temps heureux où je buvais à longs traits l'oubli de toute chose humaine, livré à tous les enchantements de la rêverie, à tous les spasmes de la tristesse, de la mélancolie indéfinis- sable, qui ouvrait ses ailes noires sur tout ce magnifique spectacle de la nature, s'étalant avec toutes ses richesses et toutes ses émotions devant moi. Qu'il fallait peu de choses alors pour occuper mes rêves ! — comme les œuvres des hommes me paraissaient en ces moments froides et indifférentes ! Une hirondelle qui pas- sait sur ma tête, une goutte de pluie qui se détachait d'une branche, une fleur qui se balançait amoureusement sous une caresse des larmes d'automne, la chanson du bouvier dont les modulations rustiques étaient renvoyées par l'écho, un souffle, un rien, le silence qui sait parler, la vue d'un lézard la chute d'une feuille, jetaient mon âme dans de saints enthousiasmes et inondaient mon coeur de divines émotions. Décidément, nous étions faits l'un pour l'autre. C'est en compagnie de cette bonne vieille, bercé douce- ment dans son sein, à côté de toute cette série de sensa-