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                    ou L'ÉCOLE DES PAYSANS                   277
«   sur nous. Mes parents, tombés depuis quelque jtemps
«    dans une affreuse tristesse^ ont pris des résolutions étran-
«    ges dont ils me cachent les causes ; ils quittent Beaure-
«    gard, pour aller s'établir dans un hameau lointain du
«    Beaujolais, dont ils me défendent de te dire le nom, et,
«    pour comble d'infortune, ils ne veulent plus, ô mon
«    Pierre, que je pense à m'unir à toi.
     « Si nous ne devons plus nous revoir, ce sera ma mort,
«    je le sens bien. Mais non, il n'est pas possible qu'une si
«    grande calamité soit irrémédiable. J'obéis à ce père et à
«    cette mère que je respecte si profondément. Cependant
«    leur ordre est-il irrévocable ? Non, peut-être, si Dieu le
«    permet et si j'en crois mes pressentiments; quelque
«    chose me dit que ce nuage sombre qui passe maintenant
«    sur notre tête se dissipera.
    « Espérons donc, ô mon ami, tout en nous soumettant.
«    Ne maudis pas mes parents, malgré leur apparente in-
«    justice; ils sont poussés en ce moment par une force
«    mystérieuse et fatale, qui cessera, j'en suis sûre. Tout
«    ce que je te demande, Pierre, c'est de croire à ma fidé-
«    lité inébranlable, et d'être bien certain que je ne serai
«   jamais à aucun autre qu'à toi; c'est aussi que tu me con-
«    serves cet amour que tu m'as juré, et que tu gardes l'es-
«   poir de me revoir un jour.
     « Unissons donc nos deux espérances, ô mon ami, et,
«    quoiqu'il arrive, comptons sur la protection de Dieu.
     « A toi pour la vie,
                                       « JEANNETTE. »


   On comprend le désespoir de Pierre en recevant cette
lettre. Il versa d'abondantes larmes, il se frappait le front
avec découragement. Un brave militaire était moins fort
qu'une jeune fille!