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CHRONIQUE LOCALE Est-ce l'hiver? Est-ce le printemps? En tout cas ce n'est pas l'été. Soleil brillant à midi, gelée pendant la nuit; chaleur à faire pousser les feuilles et à faire quitter les manteaux, bise glaciale adonner des fluxions de poitrine, voilà le temps que nous avons et qui n'a pas été prédit par Nostradamus. Avec cela, habillez-vous comme vous voudrez. Il paraît que le carnaval fleurit encore quelque part, à en juger par les affiches qui ornent les murs. Cela doit être curieux de voir des loups et des faux-nez, des dominaux et des chapeaux pointus enrubannés par le temps qui court. On dit que tout cela saute ou se promène et qu'il y a des gens persuadés que cela les amuse. Au fait, pourquoi pas ? C'est peut-être arrivé. Pour ne pas perdre la tradition, bien ailleurs que sous les voûtes des Folies-Bergère et de l'Alcazar, on a fêté le carnaval, dans les pen- sionnats les plus sérieux et les plus renommés de Lyon, par des repré- sentations dramatiques qui ont eu le plus gracieux succès. Les élèves des Dominicains et des Chartreux ont joué de simples vaudevilles franchement enlevés. Les Lazaristes ont attaqué la tragédie de Racine, et que cette audace n'étonne pas ; il est peut-être plus facile, pour un humaniste, de réciter des alexandrins que de soutenir avec esprit et fi- nesse un dialogue dans un salon du monde comme il faut. — Malheureusement, on ne s'amuse pas partout. Le 14, une manifestation toute pacifique, de deux ou trois cents ou- vriers en soie, s'est présentée sur la place des Terreaux et a envoyé une délégation composée de six membres à M. le Préfet du Rhône, pour lui exposer le fâcheux état de la fabrique lyonnaise. M. le Préfet n'a pu que leur donner de bonnes paroles et de bons conseils. Le lendemain, la corporation des ouvriers peintres et plâtriers est venue pareillement exposer sa détresse. Espérons que le retour des beaux jours amènera le travail dont la classe ouvrière a un si urgent besoin.