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220 L'EXPOSITION DE 1879 dera cette œuvre spirituelle sera un des heureux de ce monde. A côté de la Fête de Son Eminence, nous sommes trans- portés par un Espagnol de talent, M. Mirallès, « Sous les murs d'un couvent de la Péninsule », murs par-dessus lesquels deux moines, l'un jeune et l'autre d'un âge plus que mûr, ce n'est pas le moins ardent, notez le bien, échangent des propos plus que gaillards avec deux manolas fort jolies, dont l'une, une grande brune bien découplée, a une pose et des yeux du dernier provoquant, tandis que sa compa- gne, une blonde qui joue du sentiment et de la guitare, est langoureusement assise sur un banc. Certes, c'est un souffle de sensualité qui anime le tableau, mais les quatre person- nages sont si vivement, si spirituellement et même si déli- catement touchés qu'on est tout à la scène qui se passe de- vant vous et non ailleurs. M. Mirallès a le trait, mais il ne le souligne pas, et il évite ainsi de tourner à la charge. Que son exemple vous serve de leçon, Monsieur Frappa, et vos toiles seront goûtées de tous. Nous sommes ainsi ramenés vers les deux arcades qui donnent accès dans la galerie, et c'est sur le mur plein qui les sépare que nous voyons l'une des plus grandes toiles du Salon, grande par l'étendue, bien entendu, quoique pour- tant l'artiste soit loin d'être inhabile. C'est la «Judith » s'ap- prêtant à tuer Holopherne, de M. Stephen Jacob. Le sujet est rebattu, comme on voit, et M. Jacob a cherché à le ra- jeunir en nous montrant Judith sur le point de trancher la tête à son ennemi et épiant le moment favorable, l'oeil anxieux et l'oreille au guet; mais, selon nous, l'effet est manqué, et le but à atteindre l'eût été peut-être si, au lieu de cette brune, grande et fortej le peintre nous eût montré une Judith aux cheveux d'un blond doré, une Judith d'ap- parence frêle, mais au fond toute âme et tout nerfs, et ne ti- rant le glaive qu'en demandant à Dieu aide et protection ;