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82                              POÉSIE
     En te voyant, Agar, je sentis tressaillir
     Mon cœur épris du vrai. Palpitant souvenir l
     Dans mon esprit passa comme un souffle magique
     Qui soudain évoqua toute la Rome antique ;
     Le forum et le temple, et le mont Palatin,
     Et la louve et le Tibre, et le mont Aventin,
     Puis, dominant et fier de sa noble auréole,
     M'apparut avec eux Vimposant Capitole;
 Y entendis résonner, de nos Gaulois, les cris,
     Et je vis massacrer, par ces vainqueurs surpris,
     Des vieillards impuissants à se servir des armes !
     Grandes par le malheur, je revis dans les larmes
     Ces filles des Sabins implorant à genoux,
     Leurs pères, d'une part, de l'autre, leurs époux !
     Oui, quand je t'aperçus tout au fond du théâtre,
     Avec ce blanc péplum que le peintre idolâtre,
     Avec ta tête nue      Immobile un moment,
     Parant de ta beauté l'antiaue vêtement;
     Puis vivante et parlante, et soufflant à la foule
     Un feu sacré II! Je dis qu'autrefois dans ce moule,
     Le divin créateur avait voulu couler
     Des héros que leurs fils ne sauraient égaler !

     Mais si, de ces grands morts, notre faiblesse indigne
     Craint de se souvenir, garde l'honneur insigne,
     Agar, de nous remettre en l'esprit leurs leçons,
     Et de nous rappeler de qui nous descendons,
 Leurs sévères conseils, en passant par ta bouche,
 Comme un écho lointain qui nous frappe et nous touche