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CHRONIQUE LOCALE — Il faut que la malade soit robuste. Entourée de Prussiens et de Communards, ayant à son chevet les médecins les plus ineptes, bourrée des remèdes les plus extravagants, brûlée vive et déjà pleurée comme morte, elle se relève, secoue médecins et conseillers, traîtres et impuissants, voleurs et incendiaires, et, raidissant son bras, montre au monde étonné qu'elle peut encore se faire respecter de ses ennemis du dedans et du dehors, des déma- gogues et dos conquérants, des Guillaume, des Roehefort et des Courbet, des Moliko, des Delescluze et des Àssy, des utopistes, des haineux et des pétroleurs. C'est un miracle, c'est merveilleux, mais c'est ainsi. Dieu la garde et la rende anssi sage qu'elle est vaillante et forte. La leçon a été rude, qu'elle en profite, et que bientôt elle reprenne la place qu'elle occupait jadis au grand festin des Nations. La France tranquille, Lyon n'a aucune raison de s'agiter, aussi voyons-nous les esprits se calmer petit à petit, les journaux tomber peu à peu, les affaires reprendre, l'argent reparaître et la confiance revenir avec le bon sens disparu depuis si longtemps- Seulement, toute maladie comme toute faute se paye, et c'est là ce qui nous cause un peu d'ennui. Nous avons tari, la source de nos finances, tué le commerce, effraye le capital et dépensé royalement. Nous avons fait des fortifications sous lesquelles nous devions nous ensevelir, payé un superbe Etat- major, armé une garde nationale magnifique, joué au soldat jusqu'aux coups exclusivement, encombré nos églises de provisions de bouche, organisé un enseignement pas clérical, mais cher, brocanté d'ici et de là , spéculé sur ceci sur cela, fait de petits voyages à Versailles et à Paris, mis en application nos petites théories d'estaminet, nos systè- mes de brasseries, notre politique de club et rien n'a réussi. Les plus savants faiseurs de carambolage y ont perdu leur latin. C'était joli autour d'une table ; grâce à la réaction , sans doute . le tour a été manqué. Resterait bien la ressource du pétrole dans les caves, mais les bour- geois trouvent le moyen trop radical ; beaucoup môme ont bouché leurs soupiraux. Puis voici une garnison de 50,000 hommes qui nous arrive et cela ne laisse pas que d'être gênant. Puis encore, autre malheur, les boutiquiers changent d'allures: ils s'obstinent à vouloir vendre et gagner, les femmes s'en mêlent; on