Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                  LES CHASSEURS DE RENNES.               409

   Cependant le docteur ne se déconcerta point et s'avan-
 çait pour soulever les fourrures qui la couvraient, lors-
qu'un pied se dégageant inopinément des vêtements de la
fille du chef décrivit une courbe rapide dans l'espace, vint
frapper le malheureux docteur en pleine poitrine et l'en-
voya rouler à l'autre bout de la hutte. Un éclat de rire,
jeune et vibrant, accompagna sa chute malencontreuse.
   Ce procédé, si peu conforme au cérémonial des cours,
me fit perdre malgré moi toute ma gravité, quoique
j'eusse au demeurant peu de joie dans l'âme. L'hilarité
fit le tour de l'assemblée et Patte-de-Tigre nous montra
une double rangée de dents blanches comme de l'ivoire.
   L'audience était levée.
   Patte-de-Tigre nous prit dans ses bras, nous mit de-
hors et nous poussa devant lui d'un pas rapide.

                            XIV

   On nous lia, comme précédemment, à notre tronc d'ar-
bre, et l'on nous abandonna à notre solitude et à nos
réflexions.
   Le docteur chantait à demi-voix. Je dois lui rendre
cette justice qu'il chantait faux : c'était la première fois,
d'ailleurs, que je l'entendais se livrer à des tentatives
musicales. Il méditait probablement sur l'harmonie à
l'Age du Renne. Mais je trouvais le moment mal choisi.
   Des enfants survinrent et se groupèrent devant mon
compagnon, que j'entendis bientôt s'abandonner à tous
les excès d'une vive impatience. Les enfants, — cet âge
est sans pitié, — séduits par l'attrait de ses lunettes,
se faisaient un jeu d'avancer les doigts jusqu'aux verres
comme pour les plonger dans ses yeux et se pâmaient de
rire à chaque grimace du patient.