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338 UN MARIAGE SOUS LES TROPIQUES. grondait dans la poitrine de l'infortuné jeune homme, qui, muet, les yeux pleins de larmes, ne s'éloigna du comte que pour étreindre silencieusement sa mère contre sa poitrine II la tint longuement ainsi, puis, quand les pleurs eurent permis de s'exhaler à cette détresse de l'âme si longtemps contenue, il tira d'un portefeuille quelques petits carrés de papier soigneusement plies. Herminia , blessée de la froideur de son mari , n'avait pas attendu cet instant pour quitter l'appartement. — Mon Dieu, qu'y a-t-il donc ! s'écria Wilhelmine en joignant les mains par un mouvement convulsif. — Il y a, ma bonne mère, reprit Rodolphe d'une voix lente et sourde, que je suis plus malheureux que votre cœur n'a pu le deviner, car le mien est désormais sans es- poir. J'avais emporté un buvard appartenant à Herminia. Fou que j'étais ! Je me berçais encore de douces chimères je croyais à un miracle possible ! Pendant longtemps je me suis servi de ce petit meuble sans y rien découvrir, le regardant comme un souvenir de celle qui portait mon nom et qui allait me donner un enfant. Un jour je venais de re- cevoir une de vos lettres, mes larmes avaient coulé, car un profond découragement perçait sous la tendresse dont vous enveloppiez vos craintes, et je voyais bien que mon bon père jugeait l'épreuve finie. J'ouvris, pour y placer cette lettre, une des dernières feuilles du buvard et j'y vis un papier. C'était l'écriture d'Herminia. Une curiosité bien naturelle me saisit. Le papier n'était point scellé ; il se trouvait dans un cahier ouvert et, d'ailleurs, ma posi- tion douloureuse m'autorisait à lire : je lus. Oh ! ma mère ! mon cœur se serra dans une inexprima- ble angoisse. Je feuilletai vivement, et cinq autres carrés semblables au premier tombèrent sous ma main. Lisez