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326 IN KARIAGE SOUS LES TROPIQUES. de sa couche, les cheveux non peignés, la robe dégrafée, les pieds posés sur son drap maculé, les coudes sur les genoux et les poings dans les yeux, ce qui, chez elle, était signe d'une préoccupation profonde, Herminia se réjouissait intérieurement du départ de son mari. Dans son idée, Rodolphe devait être l'esclave de ses moindres volontés, et, pour rien au monde, elle n'eût cédé au plus minime de ses désirs. Mais sa position changeait avec son absence; elle ne compromettait rien en paraissant se ren- dre quelquefois aux vœux de sa belle-mère, et cette con- descendance lui semblait même une politique à suivre pour obtenir d'être amenée à Chirimayo, seul objet de ses espérances. Tout son bonheur à venir consistait en ce moment à regagner cette forteresse de ses mauvaises habitudes, et son esprit calculait le plan de conduite qui devait la faire triompher. Que se passait-il dans l'âme de Wilhelmine pendant que celles de ses enfants suivaient un chemin si opposé? Il faudrait être mère, pour peindre dans leur vérité les sentiments qui oppressaient sa poitrine. A l'immense af- fection qu'elle portait à son fils, à l'invincible répulsion que lui inspirait Herminia et qu'elle ne dominait qu'à force de piété et d'amour pour Rodolphe, s'était jointe une sensation nouvelle d'une inouie vivacité et d'une dou- ceur infinie. C'était comme la résurrection de sa jeunesse, parée de toutes ses ignorances délicieuses, de cette cou- ronne d'illusions embaumées dont tous les boutons avaient magiquement refleuri. Le bonheur de Rodolphe était à jamais compromis, son cœur le lui avait prédit et sa raison le lui criait bien haut chaque jour; un crêpe épais voilait dans son âme tous les songes qu'elle avait conçus à son égard. Mais Herminia était enceinte î et cette seule pensée faisait vibrer sa parole et briller ses yeux d'un