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                     CHRONIQUE LOCALE

   Le volcan n'a pas fait, explosion, mais il n'est pas éteint et nous somnvs
toujours assis sur ses bords.
   C'est avec une anxiété profonde que tous les regards sont fixés sur
Paris d'où doit venir le salut ou la ruine. Que la révolte y triomphe et la
province, c'est-à-dire la France, est anéantie à toujours, et nous serons
bientôt à ce niveau désolait des Lacédémone, des Babyione et des Memphis.
   Être on ne pas être, c'est le sort.
   Et si nous ne sommes plus, quels monuments seront restés pour dire
ce que nous fûmes ?
   « Voici qu'un peuple vient du Nord, disait Jérémic, le voici qui s'élève
comme les nuées; ses chariots sont rapides comme la tempête et ses che-
vaux plus vîtes que les aigles. Malheur à nous .' car nous sommes livré", m
pillage ! »
   Et comme si ce n'était pas assez de ce peuple venu du Nord, voici qu.,
semblables aux malheureux Juifs qui s'entr'égorgeaient pendant que J '
Romains assiégeaient leur cité, massacraient les prisonniers pour s'inter-
dire tout pardon, et brûlaient de leurs mains le Temple pour que rien ne
restât de leur gloire, les Parisiens affolés se ment contre les Français, se
battent contre leurs frères avec U!>e énergie qu'ils n'avaient pas contre
l'envahisseur, sapent, détruisent, effacent monuments , lois, pouvoir,
mœurs, coutumes, traditions, tout ce qui faisait de nous une nation
grande, puissante et enviée.
    Et comme si la ruine de Paris ne leur suffisait pas, ils envoient dî's
émissaires pour soulever Lyon, Bordeaux, Toulouse, Marseille, Grenoble,
Saint-Etienne, toutes les villes où une population turbulente peut leur
aider à endetter la France, dissoudre, désagréger la patrie, et (a rendre
semblable au sable du désert sur lequel on ne peut rien bâtir, rien fonder,
jouet qu'il est du moindre vent.
    Lyon pris en bloc n'a pas encore obéi au mot d'ordre envoyé. Mais qui
sait ce que nous réservent les prochaines élections ?
    En attendant, les Prussiens nous entourent et nous enserrent de plus
en plus, l'Algérie se soulève, la Savoie veut se séparer de nous, l'Angle-
terre achète le canal de Suez, créé par nous, par nos compatriotes ruinés,
notre vieille alliée l'Egypte est abandonnée, nous ne comptons plus en
Europe, e t , chose plus triste, plus douloureuse encore, nos prisonniers
prêts à rentrer en France, conduits joyeux à la gare, sont ramenés dans
leurs cantonnements, pleurant de rage, et maudissant les événements et
les hommes qui perpétuent leur exii.
    Si à Lyon nous n'avons pas la guerre civile, la ville n'en est guèr;; plus
 gaie. Après l'incendie du théâtre des Célestins qui a mis tant de familles
 dans la gène, un feu terrible a dévoré les belles maisons faisant l'angle de
 la place Louis XVI et du quai d'Albret ; plusieurs personnes y eut péri
 emportées par leur courage ou surprises par le fléau. Les pertes maté-
 rielles sont énormes. Le jeudi 13, la population entière s'est associée aux
 funérailles de trois des malheureux pompiers dont les corps avaient pu
 être retrouvés. C'était touchant de voir clergé, pompiers, garde nationale,
 foule immense rendre un dernier hommage à ces martyrs.