page suivante »
186 (S.\ MAIU.UJF. SOLS l,i:s IlSOl'iQlJKS. la voix et regardant autour d'elle comme si elle eût craint d'être entendue, j ' a i au fond de ma poitrine une douleur que je ne puis confier qu'à toi et que peut-être encore seras- tu incapable de comprendre. Si Bodolphe eût épousé une fille belle, bonne, aimante, bien élevée, digne enfin, non point de Rodolphe —si tu veux — mais de l'affection que nous avons pour Rodolphe, je sens que j'aurais adoré cette femme; j'eusse été sa mère, sa sœur, son esclave ! Sûre que j'eusse été qu'elle pouvait faire le bonheur de mon fils, je me serais sacrifiée au moindre de ses désirs, cour- bée devant son plus léger caprice; car enfin Rodolphe m'eût su gré de ma tendresse, de mon abnégation ! C'eût été Rodolphe que j'eusse flatté en faisant sa femme belle, c'est son amour-propre qui se fût exulté en la trouvant, par mes soins, toujours placée au premier rang, et Ro- dolphe se fût écrié : Bonne mère ! ! Et moi, je l'eusse pris dans mes bras, serré contre mon cœur et tout eût été payé! Aujourd'hui, Léonard, je sens faiblir mon courage. En la voyant si maussade, si revèche, si dépourvue de toute grâce du corps et de l'esprit et si peu disposée à se mo- difier en quoi que ce soit, je me sens jalouse de l'amour que Rodolphe pourrait avoir pour elle ! Comment! une simple parole aurait mis au même niveau l'affection dou- teuse de cette créature et vingt-deux ans de tendresse non démentie ! Comment ! cette femme qui n'aime ni Rodolphe, ni nous, prendrait sur mon fils un ascendant que moi, sa mère, je perdrais ! Non, non, cela ne peut pas être. J'observe Rodolphe, vois-tu, comme une maîtresse épie son amant : son regard, ses gestes, l'inflexion de sa voix, rien ne m'échappe. J'ai compris avant toi pourquoi il l'épousait, et j ' y ai consenti, tout en souffrant à en mourir : qu'il ait donc son indépendance puisqu'il l'a ache- tée ; qu'il traite Hermima avec; considération, avec ami-