page suivante »
AUTOUR DE LYON. 155
populaires, ravi nantes in gurgite vasto ! Vous avez voyagé
dans le Nord, vous y avez, m'avez-vous dit, admiré une ma-
gnifique aurore boréale ; eh bien ! mon ami, cette aurore bo-
réale, cet attachant phénomène de lumière et d'électricité, dont
le ciel ne garde et ne gardera nulle trace, c'est la Gaule, ma
mère et la vôtre.
« Quant à cette primulacée qui vous a donné tant de tintoin,
poursuivit le vénérable ce'tiste, sa dénomination druidique ne
remonte pas plus haut que Linnseus. Ce grand homme, obligé
de, créer, de chercher sans cesse des noms pour sa vaste distri-
bution du rèune végétal, prit au vocabulaire scientifique des
Saronides la dénomination de samolus, afin de l'infliger à la
plante qui l'occupait alors ; il aurait pu, aussi bien, dénommer
celte sœur des primevères dictame, amôme ou sélage. »
Cette réponse, messieurs, me jeta dans un trouble inexprima-
ble. L'étonnement, la tristesse, la confusion , le désappointe -
ment, la colère bouleversaient tour-à -tour mon âme. Quelle
confiance mérite-t-il donc, me disais-je, tout ce bruyant cé-
nacle de prétendus celtisants ? Voici l'un d'eux qui, après qua-
rante ans d'étude opiniâtre, ne craint pas d'avouer que la Gaule
a péri corps et biens, et péri sans ressource. Oh ! que de fois,
depuis ce temps, j'ai maudit ma sotte crédulité et mes heures,
mes bonnes heures perdues à compulser d'effroyables bouquins!
Tenez ! il est des moments où, si quelque celtomane se présen-
tait à ma vue en temps et lieu de chasse, je serais homme Ã
lancer sur lui Ramonaut et Fort-à -Patte, l'élite de mon chenil !
Tandis que l'irascible jeune homme nous faisait le récit de ses
tribulations celtiques , mon vieil ami, rendu à toute son assu-
rance , jetait sur moi des regards pleins d'un contentemeni,
perfide.
— Que dites-vous de cela? fit-il sournoisement, quand eut
cessé de se faire entendre l'associé qu'il devait au hasard.
— Je dis que, dans la réponse du voisin, l'exagération cou-
doie la vérité. Au commencement du siècle, beaucoup de ses al-
légations pouvaient être raisonnablement acceptées; elles ne le
seraient plus aujourd'hui. La linguistique est devenue une science