page suivante »
UN MARIAGE ROCS LES TROPIQUES. 89 — Et comme elle dansa ce soir là ! Vous souvenez-vous de ce baïlecito où nous faisions la roue autour d'elle et où chacun de ses gestes était si clair que nous applaudissions h tout rompre ! — Messieurs, dit Gaetano en tirant sa montre, il se fait tard et la question me semble suffisamment éclaircie, Voici qu'un étranger nous tombe du ciel; il a l'air d'un bon et doux jeune homme, candide comme les pâles soleils qui l'ont vu naître. Il s'est pris à la glu comme un oiselet sans expérience. N'est-il pas de notre devoir de l'avertir du piège et de sauver son innocence ? — Allons donc ! firent en chœur tous les assistants. — Messieurs! s'écria D. Luciano en frappant si vio- lemment sur le guéridon que les bouteilles s'entrechoquè- rent, pas de fausse pitié, pas d'entraînement naïf! La peste est dans Chirimayo; tous, plus ou moins, nous en avons été infectés; Pedro en est presque mort. Hé bien ! quand le ciel vous envoie un médecin capable de guérir cette épidémie en un jour, prêta essuyer toute cette bave secrète, à se charger de tout ce venin, vous hésiteriez une minute ! Ne tentez pas la Providence et ne faites pas qu'un de nos amis, épargné jusqu'à ce jour, tombe sous la morsure' de la vipère ! Messieurs, il 'est l'heure d'aller au bal : les bouteilles sont devenues transparentes et les assiettes sont vides. Un dernier verre d'enthousiasme. « A l'étranger miséricordieux qui emportera loin d'ici la « peste de Chirimayo ! » De frénétiques bravos accueillirent ce toast, et quelques minutes plus tard ces conspirateurs, qui étaient venus chez D. Gaetano opprimés sous le poids d'un mystère inconnu, faisaient irruption dans le bal et jetaient un regard de joyeuse félicitation à Dona Herminia, qui dansait sans grâce à côté de l'étranger devenu son époux. F. CLAVAIKOZ. {A continuer).