Revue du Lyonnais » série 3 - n°11 ( 1871 ) » pp.080

80              ON MAIUAGË SOtrh LKS THOPIOUKS.

 Dieu s'accomplisse et puissent les présages funestes qui
 troublent mon sommeil s'évanouir devantle rayonnement
 d'un bonheur qui me semble impossible !
    Le contrat fut passé ainsi qu'il avait été convenu. Le
 général donnait à sa fille l'hacienda de la Burla, les ter-
 rains de Puente Eoto et renouvela son engagement verbal
 de construire le moulin. Absorbé par son amour naissant,
 Rodolphe ne prit aucune part à ces négociations. Quant à
M. de Czernyi il se laissait aller doucement au courant qui
 entraînait son fils. Les deux familles se réunissaient tous
 les soirs, et les grands cils qui ombrageaient les yeux
 d'Herminia semblaient voiler une candeur ingénue, quoi-
que troublée de temps à autre par un éclair sauvage aus-
 sitôt réprimé. Les lèvres pâles de la jeune fille s'épanouis-
 saient généralement en un mélancolique sourire, et toute
sa personne respirait une timidité craintive qui n'était pas
sans attraits. Seule, la comtesse échappait à ce charme.
 L'angoisse qui avait brisé sa poitrine à la première pen-
sée de ce mariage, continuait sourdement ses douloureu-
ses palpitations. Après un long combat avee elle-même
elle s'était résignée, mais à la manière des condamnés à
mort, comptant chaque minute qui la séparait du supplice
et se berçant d'un vague espoir en la clémence divine.
Pauvre Wilhelmine ! dont toute la science était l'amour,
dont tous les calculs étaient les révoltes du cœur, dont
l'intelligence se taisait devant la divination de la tendresse!
Le comte qui l'adorait, Rodolphe qui n;avait jamais aimé
qu'elle, ne s'apercevaient point de la torture morale de la
malheureuse mère : ils attribuaient à des préventions bien
naturelles, nées de la différence d'éducation et de coutu-
mes, cette répulsion instinctive dont ils ne soupçonnaient
pas la profondeur. L'abîme était caché par un sourire et