page suivante »
(18 UN MA1UACE SOUS LES TROPIQUES. du monde n'a pas adouci les aspérités. Une pareille femme serait heureuse avec lui, car, guidée par son cœur et son jugement, son jour viendrait, et Rodolphe, sachant qu'il pourrait se .fier à elle, le ferait aveuglément. Mais ces qua- lités, filles de l'éducation, comment les espérer chez une jeune personne née et élevée aumilieu de la société que nous avons sous les yeux ! Quant à moi, je crois l'issue de ce mariage fatale à nous tous. Fatale pour Rodolphe, dont le désillusionnement causera le désespoir ; fatale pour nous deux, qui souffrirons dans nos cœurs tous les tourments qui déchireront notre fils. — Ainsi donc, vous pensez que nous devons nous oppo- ser à cette union ? Jamais Rodolphe ne passera outre à notre déplaisir. — Léonard, ajouta Wilhelmine, avec un sourire plein de larmes, tu as un excellent cœur, une noble nature, et Dieu sait que depuis que ma main s'est reposée dans la tienne tu ne m'as pas donné un jour de douleur ! Mais tu ne comprends rien aux femmes et pas davantage à ces jeu- nes âmes qui a'ouvrent à la vie avec toutes les aspirations d'une imagination ardente et toutes les illusions dont le prisme les trompe si bien sur les réalités! Il faut pour cela sentir comme elles, avoir souffert comme elles, et vous au- tres hommes, absorbés par vos études ou le soin de vos ambitions, vous ignorez les orages cachés qui ravagent ces jeunes plantes! Vous voyez Rodolphe tous les jours, mon ami, et vous ne vous êtes jamais aperçu du désir d'indé- pendance qui le travaille. Parce que vous l'avez toujours trouvé soumis à vos volontés, parce que rien ne manque matériellement à ses besoins, parce que sa gaîté ordi- naire recouvre le fond de mélancolie qui est le prélude; des passions à venir, vous croyez Rodolphe heureux et vous ne songez qu'à vos fouilles et à vos fossiles. Mais moi