page suivante »
508 CHARA.BA.RA. cela s'est vu. Les étalons hennissent, se cabrent et font feu des quatre fers ; les haquenées à longues oreilles sonnent leurs plus éclatantes fanfares, les palefreniers jurent, les chiens jappent, et les gamins crient. Quelles rudes poignées de main, quels éloquents coups de fouet, quel langage imagé et quels terribles mensonges !.... Le docteur Isambard est un petit garçon auprès des marchands de chevaux. Nous avons dit : Allez voir une fois.. Vous retrouverez tou- jours les mômes scènes et la même foule ; bipèdes et quadru- pèdes ne lardent guère à fatiguer l'observateur. Pourtant ce spectacle a de fidèles habitués.Tous les samedis ils consultent, anxieux, le ciel ou le baromètre. Cn beau soleil est nécessaire pour faire bien reluire la robe des chevaux, et la cadence harmonieuse du galop doit résonner sur un sol résistant. Les amateurs des ventes hippiques se recrutent parmi les officiers en retraite , les cochers sans emploi, les maîtres de poste enrichis, enfin parmi les désœuvrés, les gobe-mouches, et les badauds sans nombre qui vont où il y a du monde et du bruit. Le plus assidu entre tous les abonnés de Charabara était, vers les premières années delà Restauration, un vieillard de haute taille, extrêmement maigre, vêtu, été comme hiver, d'une longue houppelande brune. Un bel enfant blond et rose l'accompagnait d'ordinaire. Chose à noter, le vieillard ne regardait que les chevaux halezans. L'examen durait peu. Ce n'est pas lui, soupirait-il, et il passait. De l'ouverture à la Gn du marché , on le voyait ainsi aller et venir à grandes enjambées, suivi, nonpassibus œquis, par son jeune com- pagnon. Les gens du quartier riaient de cette manie, et l'a- vaient surnommé le vieux Charabara. Tout naturellement, l'enfant était appelé: le petit Charabara. Ils ne parlaient à personne, et leur existence s'entourait de mystère.